Page:Vasari - Vies des peintres - t5 t6, 1841.djvu/658

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maître, dont Venise serait assez jalouse pour le revendiquer, si loin qu’il allât exercer sa science ? Quant à Jean d’Udine, il faut le dire, malgré les insinuations naïves de notre auteur, nous pensons ici de lui ce que l’on en a pensé à Venise. Ce n’est pas, toutefois, que nous prétendions que l’irrésistible ascendant de Raphaël n’ait pas dû faciliter à son jeune collaborateur une forte et visible appropriation des éléments de grâce et de pureté, apanage principal de la tradition romaine. Mais, de cette concession toute naturelle, en venir à admettre l’absorption radicale ou la subalternisation complète, dans la donnée raphaëlesque, des vigoureuses et enivrantes influences du Giorgione, reçues à leur source, c’est impossible. D’ailleurs, l’œuvre de Jean d’Udine est là ! Si nous n’avions pas suffisamment expliqué par quelles démarches et par quelle compatibilité l’immense et universel talent de Raphaël s’était accru, nous devrions ici, remontant du modeste élève au glorieux maître, faire ressortir bien des choses négligées par notre auteur. Mais à quoi bon, maintenant ? Il est des points sur lesquels il ne faut pas insister, si l’on veut qu’à sa suite personne n’abuse. Mais, ce qu’en bonne justice, ce qu’en toute discrétion il ne convient pas qu’on tolère, c’est cette assertion de notre auteur, tendant à établir que bien en prit à Jean d’Udine de se tourner de bonne heure vers Rome, parce qu’une fois une mauvaise méthode adoptée, on ne s’en débarrasse plus guère. Une telle parole, à propos d’un homme placé, dès sa première enfance, sous l’œil du Giorgione et dans