sept années. Les deux artistes arrivèrent à Bologne avant Vasari, qui était encore à Camaldoli où il terminait le carton d’une Déposition de croix destinée au maître-autel de l’abbaye. Cristofano et Battista Cungi se mirent à préparer les tableaux du réfectoire, en attendant Vasari qui avait donné mission à Dattero, banquier juif de Bologne, ami de Messer Octavien de Médicis, de pourvoir à tous leurs besoins. Dattero, homme plein de courtoisie, n’épargna rien pour leur être agréable. Comme il se promenait souvent familièrement avec eux dans Bologne, on ne tarda pas à les prendre pour des juifs, d’autant plus que Cristofano avait une grande maille dans un œil, et Battista Cungi les yeux à fleur de tête. Aussi certain chaussetier, étant allé porter un jour, de la part du juif Dattero, une paire de chausses neuves à Cristofano, et ayant rencontré près de la porte du monastère notre artiste, qui regardait distribuer les aumônes, lui dit : « Messer, pourriez-vous m’indiquer la chambre de ces deux peintres juifs qui travaillent dans ce monastère ? — De quels juifs entends-tu parler ? s’écria Cristofano : que leur veux-tu ? — J’ai à remettre ces chausses à l’un d’eux, nommé Cristofano. — Sache que je suis homme de bien et meilleur chrétien que toi ! Soit comme voulez, répliqua l’honnête chaussetier : mais chacun vous tient pour juifs, vous et votre compagnon : et vos tournures, qui ne sont pas du pays, sont là pour le confirmer. — Assez, assez, dit Cristofano, tu verras que nous travaillons en bons chrétiens. »
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