Page:Vasari - Vies des peintres - t7 t8, 1841.djvu/394

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pondit pondit Cristofano, je ne puis faire autrement ; je m’habille et je sors à tâtons, sans compter que j’ai un œil en si mauvais état que je n’y vois goutte ; mais je finirai bien par trouver une cape qui n’ait ni endroit ni envers. Du reste, que Votre Excellence regarde mes peintures et non mes vêtements. » Le duc ne lui répliqua rien, mais, à peu de jours de là, lui fit faire une cape de drap fin cousue et arrangée de façon qu’on n’y découvrait ni endroit ni envers. Il en était de même pour le collet et sa garniture. Un matin Cristofano reçut cette cape. Lorsqu’il l’eut essayée, il dit, sans autres cérémonies, au valet qui la lui avait apportée de la part de Son Excellence : « Eh ! eh ! le duc ne manque pas d’esprit ; dis-lui qu’elle me va bien. » Cristofano était fort peu soigneux de sa personne, et avait en horreur les habits neufs ou étroits. Quand il avait besoin de quelques vêtements, il fallait que Vasari, qui connaissait son humeur, lui en fît faire en secret pour remplacer les vieux qu’on lui enlevait pendant son sommeil. Rien n’était plus divertissant que sa colère lorsqu’il était ainsi forcé de prendre des habits neufs. « Voyez, s’écriait-il, voyez s’il est permis d’assassiner les gens de la sorte ; ah çà, on ne peut donc pas vivre dans ce monde à sa guise ? C’est le diable qui leur a suggéré de semblables casse-têtes ? »

Un jour que Cristofano avait mis une paire de chausses blanches, il se joignit, grâce aux instances de Domenico Benci, à une réunion de jeunes gens qui le conduisirent à la Madonna-dell’-Impruneta.