Page:Vasari - Vies des peintres - t9 t10, 1842.djvu/307

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Jacopo. Ils disaient (et en cela ils s’accordaient a vec Venise entière) que la procuratie de San-Marco n’avait jamais eu, et n’aurait pas de longtemps, un architecte semblable à Sansovino. Ils savaient combien son nom était célèbre à Florence, à Rome, et, en un mot, dans toute l’Italie, et ils pensaient que, par son mérite singulier, il avait acquis pour lui, et même pour ses descendants, de justes droits à l’éternelle reconnaissance des Vénitiens.

Jacopo avait la taille moyenne, droite et élancée. Dans sa jeunesse son teint était blanc, sa barbe rousse, et son visage d’une beauté et d’une distinction rares : aussi fut-il aimé tendrement par plusieurs dames de haute volée. En vieillissant, il prit un air vénérable, et conserva néanmoins une démarche toute juvénile. À l’âge de quatre-vingt-treize ans, il était encore sain et vigoureux, écrivait la tête levée, et distinguait, sans lunettes, les plus petits objets, si éloignés qu’ils fussent. Toujours vêtu avec richesse et élégance, il se montra, jusque dans ses dernières années, empressé auprès des femmes. Lorsqu’il était jeune, il éprouva quelques maladies occasionnées par des désordres, mais qui, plus tard, n’eurent aucune suite. Pendant cinquante ans, il n’eut jamais recours à un médecin, même pour les cas les plus graves : ainsi, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans, ayant été frappé, pour la quatrième fois, d’une attaque d’apoplexie, il se guérit tout seul, en restant simplement deux mois au lit dans une chambre chaude et obscure. Il avait un si solide estomac, que tous les aliments lui étaient bons.