Page:Vasari - Vies des peintres - t9 t10, 1842.djvu/308

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L’été, il ne vivait guère que de fruits, et souvent, dans ses vieux jours, il allait jusqu’à manger d’une seule fois trois concombres et la moitié d’un limon.

Aux qualités corporelles il joignait les dons de l’esprit. Sa prudence était extrême. Il calculait à l’avance les conséquences de ses actions, et il avait soin de les régler sur le passé. La plus rude besogne ne l’effrayait point, et jamais il ne négligea le travail pour les plaisirs. Il parlait avec facilité et abondance sur n’importe quel sujet. Dans sa vieillesse, sa mémoire était si verte, qu’il se souvenait parfaitement de son enfance, du sac de Rome, et des moindres événements heureux ou malheureux qui avaient marqué sa jeunesse. Il préférait avoir affaire à de plus puissants qu’à de plus faibles que lui ; car, disait-il, avec les grands on grandit, et avec les petits on se rapetisse. Sansovino mettait l’honneur et la loyauté au-dessus de tout. Pour rien au monde il n’aurait manqué à sa parole, et il le prouva plus d’une fois aux procurateurs, qui le regardaient non comme un de leurs subordonnés, mais commeun père et comme un frère. Sa générosité était sans bornes, et pour aider sa famille il se priva de beaucoup de choses, tout en vivant constamment d’une manière digne de sa haute position. Il se laissait parfois emporter à d’épouvantables colères ; mais il s’apaisait promptement, et souvent quatre paroles humbles suffisaient pour lui amener les larmes aux yeux.

Il aimait avec passion la sculpture. Afin de propager autant que possible cet art en Italie, il forma de nombreux disciples, parmi lesquels se distin-