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Page:Vasari - Vies des peintres - t9 t10, 1842.djvu/402

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on peut hardiment proclamer que l’empire du beau est en danger. Les rêveries, les songes de la fantaisie pourront se formuler en combinaisons ingénieuses et s’agiter dans une sphère attrayante ; mais elles ne conduiront jamais à un sentiment pur, noble, et élevé de la beauté.

La tendance au fantastique n’est pas tout à fait étrangère aux périodes les plus anciennes de l’art septentrional, bien qu’elle n’y joue ordinairement qu’un rôle subalterne, et que, en certains cas rares, elle s’unisse aux exigences supérieures de la beauté. Elle apparaît déjà dans le caractère hyperbolique des derniers ouvrages de Meister Stephan, de Cologne, dans le célèbre Enfer de van Eyck qui décore la cathédrale de Dantzick, dans la vision du Mariage mystique de sainte Catherine, de Hemling, et dans les folles productions de Jérôme Dos, aussi bien que dans les œuvres des artistes flamands, hollandais et allemands, qui vinrent ensuite, tels que les Breughel, les Lucas de Leyde, les Albert Durer, les Albrecht Altdorfer, les Bartholomé Beham[1]. Mais pourquoi ce pernicieux élément s’est-il montré avec

  1. Toutefois la tendance au fantastique produisit entre les mains de ces derniers artistes quelques pages merveilleuses. Albert Altdorfer, surtout, tira de cet élément des effets où éclate une richesse d’imagination qu’on ne rencontre nulle part ailleurs. Il donne en général à ses œuvres un attrait si singulièrement fabuleux, un caractère d’une originalité si étrange, il déploie devant vos regards une telle multitude de phénomènes surnaturels, qu’on se laisse volontiers entraîner au milieu de ce cercle magique. Les représentations de Jérôme Bos, au contraire, épouvantent le spectateur : ce sont de véritables cauchemars que, du reste, il formule avec une verve remarquable.