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plus de force que jamais, précisément dans les dernières phases du développement de l’art septentrional ? Nous croyons qu’il faut en chercher la cause dans les circonstances générales de l’histoire. C’est l’esprit de protestantisme qui se révèle dans ce fait. La réforme alluma le flambeau de la science, mais éteignit le feu sacré de l’inspiration et étouffa le sentiment au profit de la pensée. Or, quand la pensée domine exclusivement, elle pousse vite aux hiéroglyphes, aux symboles. Alors une forme moins pure suffit pour traduire la pensée ; alors la fantaisie, qui sert de médiatrice entre la pensée et la forme, voit se dérouler devant elle un plus libre espace, un plus vaste champ d’arbitraire. Les anciens songes fabuleux se réveillent, troublent l’imagination et contrarient sa marche sublime vers la beauté. Au milieu de ce désordre, de grands talents, sans doute, peuvent surgir ; mais jamais ils n’atteignent les cimes de l’art, jamais le soleil de la beauté parfaite n’arrive à fondre la glace de leurs créations nébuleuses.

Parmi les causes qui s’opposèrent le plus à l’entier épanouissement de l’art septentrional, nous devons encore signaler la manie d’imiter et de singer les maîtres d’Italie, manie qui s’empara de tous les artistes du Nord pendant la seconde moitié du XVIe siècle. Le style sévère, calme et retenu des Jean van Eyck, des Hans Hemling, fut abandonné. Franc-Flore, les Porbus, les frères Franck, Martin de Vos, Octavius van Veen, Michel Coxcie, cessèrent d’étudier les anciens maîtres de leur pays, et s’effor-