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PRELIMINAIRES.

ſi tous les hommes vouloient obſerver la Règle que nous venons d’établir. Au contraire ſi chaque homme ne veut penſer qu’à ſoi, uniquement & immédiatement, s’il ne fait rien pour les autres ; tous enſemble ſeront très-malheureux. Travaillons donc au bonheur de tous ; tous travailleront au notre, & nous établirons notre félicité ſur les fondemens les plus ſolides.

La Société univerſelle du Genre-humain étant une Inſtitution de la Nature elle-même, c’eſt-à-dire une conſéquence néceſſaire de la nature de l’homme ; tous les hommes, en quelque état qu’ils ſoient, ſont obligés de la cultiver & d’en remplir les devoirs. Ils ne peuvent s’en diſpenſer par aucune convention, par aucune aſſociation particulière. Lors donc qu’ils s’uniſſent en Société Civile, pour former un État, une Nation à part ; ils peuvent bien prendre des engagemens particuliers envers ceux avec qui ils s’aſſocient, mais ils demeurent toujours chargés de leurs devoirs envers le reſte du Genre-humain. Toute la différence conſiſte en ce qu’étant convenus d’agir en commun, & aïant remis leurs droits & fournis leur volonté au Corps de la Société, en tout ce qui intéreſſe le bien commun ; c’eſt deſormais à ce Corps, à l’État, & à ſes Conducteurs de remplir les devoirs de l’humanité envers les Etrangers, dans tout ce qui ne dépend plus de la liberté des particuliers, & c’eſt à l’État particuliérement de les obſerver avec les autres États. Nous avons déjà vu (§. 5.) que des hommes unis en Société demeurent ſujets aux obligations que la nature humaine leur impoſe. Cette Société, conſidérée comme une
perſonne