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Vattel, donc, attend. Et, pour attendre, il lit, fait des visites, rêve à son mariage avec une jeune fille qu’il ne devait pas épouser, mais à laquelle il pense depuis 1742, Mademoiselle de Merveilleux, parcourt « avec infiniment de fruit » les ouvrages de morale de Cicéron et, d’après ses lettres, se partage « entre la réminiscence et l’espérance. » En février 1747, il reçoit une pension de cent louis d’or par an. « Ce n’est, » lui dit le ministre, « qu’un commencement. » L’année 1749 le trouve à Berne en qualité de ministre de l’électeur-roi. Mais, n’étant pas astreint à résidence continue, il revient une grande partie de l’année, dans sa famille, à Neuchâtel, et consacre aux lettres les loisirs que lui laisse sa mission. Esprit fin et mondain, il passe en Suisse, sans grande activité professionnelle, des années très douces, qu’il donne à l’étude. Écrivain délicat, aimable causeur, sa seule distraction est celle des salons — témoin ce fragment de lettre de Mademoiselle Provost à son amie Belle de Zuylen, 1758 : « M. de Vattel vit à Neuchâtel ; il passe sa vie à étudier et à voir les dames. Je le vois quelquefois ; il est très poli, d’une conversation bonne et agréable. »[1]

Après avoir donné au libraire des Pièces diverses de morale et d’amusement imprimées à Paris en 1746 et à Dresde en 1747, il publie des Mélanges de littérature et de poésie à Paris, en 1757. En même temps il prépare un ouvrage plus étendu.

Le 26 mai 1757, il écrit à un ami :


« J’ai adressé à M. Béguelin 30 exemplaires d’un programme que j’ai fait imprimer pour annoncer mon Droit des gens et en donner une idée. Vous aurez la bonté, mon cher ami, d’aider à répandre ce programme, & de l’insérer dans votre Journal. Envoyez-en un aux Auteurs de la Gazette Littéraire de Göttingue. Quand ce programme sera répandu, vous verrez mieux combien je dois envoyer d’exempl. du Dr. d. Gens à Berlin : & je vous prie de m’en écrire alors votre avis. L’impression sera achevée au mois d’Octobre. J’aurois voulu qu’elle allât plus vite ; mais cela ne se peut ici. »[2]


Quand son Droit des gens parut, l’Allemagne était, depuis deux années, le théâtre des premiers combats de la guerre de sept ans. Le roi de Saxe, Auguste III, engagé dans l’alliance de Marie Thérèse d’Autriche contre Frédéric de Prusse, rappela Vattel pour le nommer conseiller privé du cabinet. Ainsi mis en mesure d’employer au maniement des affaires publiques l’expérience acquise dans l’étude, Vattel se donna tout entier à ses fonctions. En 1762 il put encore publier un opuscule philosophique, Questions de droit naturel ou observations sur le traité de la nature par M. Wolff. C’était le dernier ouvrage sorti de la plume du diplomate qui, du moins, avait, en 1763, la joie d’écrire aux siens : « J’ai la satisfaction de voir que toute la cour, le public et les

  1. Philippe Godet, Madame de la Charrière et ses amis, en a publié le texte.
  2. Lettre précitée.