Page:Vattel - Le Droit des gens, ou principes de la loi naturelle, 1758, tome 1.djvu/26

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teur, n’hésite pas à l’écarter. « Il est absurde qu’une Société d’hommes puisse se soumettre autrement qu’en vue de son salut et de son bien… Ce prétendu droit de propriété, qu’on attribue aux Princes, est une chimère enfantée par un abus… L’État n’est ni ne peut être un patrimoine, puisque le patrimoine est fait pour le bien du Maître, au lieu que le Prince n’est établi que pour le bien de l’État… Les auteurs que nous combattons accordent ce droit au prince despotique… À leurs yeux, le royaume est l’héritage du prince :… maxime injurieuse à l’humanité » (Livre I. § 61). « L’État ne peut être un patrimoine » (§ 68). « La souveraineté est inaliénable. » « Je sçai que plusieurs auteurs, Grotius entr’autres, nous donnent de longues énumérations d’aliénations de souverainetés. Mais les exemples ne prouvent souvent que l’abus du pouvoir et non pas le droit » (§69).

Pour la première fois, la personnalité et la souveraineté de l’État (§§ 3-4) se substituent à la personnalité et à la souveraineté du prince.

Maîtresse de sa constitution, la nation a le droit de la changer, sauf, pour les dissidents, la liberté de s’expatrier : « Ils pourraient quitter une Société, qui semblerait se dissoudre elle-même pour se reproduire sous une autre forme ; ils seraient en droit de se retirer ailleurs, de vendre leurs terres et d’emporter tous leurs biens » (§ 33). Fondant l’État sur le contrat, liant le propre bonheur de l’homme à celui de la Patrie, c’est-à-dire « de l’État dont il est membre » (§ 120), Vattel dégage, dans toute leur force, les principes essentiels qui déterminent la nationalité des individus. D’après la conception féodale et despotique de l’État patrimonial, la naissance sur le sol fondait l’allégeance. D’après la doctrine du contrat, fondé sur le bonheur des hommes, et leurs sentiments présumés : « Les Naturels ou Indigènes sont ceux qui sont nés de parents citoyens… La Patrie des pères sera celle des enfans… par leur simple consentement tacite » (§ 212). D’après la conception féodale et despotique de l’Etat patrimonial, l’allégeance était perpétuelle : once a citizen, always a citizen. Libéral, humain, Vattel, dont la philosophie politique est celle du bonheur, déduit, du contrat social, toutes les conséquences, que la logique exige. « Tout homme a le droit de quitter son pays, pour s’établir ailleurs, quand par cette démarche il ne compromet point le bien de sa Patrie, » encore qu’il ajoute ce sage conseil de ne s’y jamais résoudre sans nécessité. « Il est peu honnête d’abuser de sa liberté, pour quitter légèrement des associés, après avoir tiré d’eux des avantages considérables » (§ 220). Et, dans une énumération très-précise, Vattel indique les cas où un citoyen est en droit de quitter sa patrie (§ 223).

Enfin, des mêmes principes, il dégage une conséquence plus grave. Après avoir déduit, du devoir qu’a la nation de se conserver (§ 16), qu’elle