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doit conserver ses membres, et, de la non-patrimoniallté de l’État, qu’elle n’est point en droit de trafiquer de leur liberté, mais après avoir reconnu qu’elle peut légitimement les abandonner, si le salut public l’exige, Vattel affirme hautement que « cette province ou cette ville, ainsi abandonnée et démembrée de l’État, n’est point obligée de recevoir le nouveau Maître qu’on voudrait lui donner. Séparée de la Société dont elle était membre, elle rentre dans tous ses droits ; et, s’il lui est possible de défendre sa Liberté contre celui qui voudrait la soumettre, elle lui résiste légitimement » (§ 264). Assorties d’observations diverses, inspirées des physiocrates et des encyclopédistes, dans un livre premier, qui traite de la culture des terres, du commerce, de la monnaie et du change, aussi bien que des formes du gouvernement, de la révision des constitutions, de l’organisation de la justice (§ 162 et sui.), de l’armée, de la piété et de la religion, suivant le goût du temps, ces quelques maximes, rapprochées les unes des autres, constituent une construction de l’État solide, humaine et logique, telle qu’en conclusion de la doctrine du contrat social elle pouvait s’attendre de l’heureuse rencontre de la philosophie du bonheur avec la politique de la liberté.


2. L’Aide Mutuelle.

Mais il ne suffit pas de construire, ou plutôt « de crayonner » (I, § 11), une théorie générale de l’État. Cette théorie, prît-elle un quart de l’ouvrage, ne saurait être qu’une introduction à l’étude du droit des gens.

Dans cette étude, Vattel, adaptateur de Wolff, apporte un esprit tout nouveau. C’est, d’une part, un esprit de profonde indépendance. De même que les hommes sont égaux, les nations sont égales. Pour Vattel, il n’est, dans la Société des nations, que des États souverains : « Toute Nation, qui se gouverne elle-même sous quelque forme que ce soit, sans dépendance d’aucun étranger, est un État souverain. » Les formes de l’État sont multiples : alliance inégale ; protectorat ; vassalité ; fédération : mais aucune d’elles n’est exclusive de la souveraineté ; sans quoi Vattel ne soumettrait pas toutes ces variétés d’États au droit des gens.

L’État, dont il fait une personne libre et indépendante, a, naturellement, les mêmes droits que l’homme (I, §4). De l’égalité des hommes, Vattel déduit celle des États (§ 36). La préséance, qui ne dépend pas de la forme du Gouvernement, mais de la puissance de la nation, est question de politique, non de droit (II, § 37). « Les nations étrangères n’ont aucun droit de s’ingérer dans le Gouvernement d’un État indépendant » (§ 57). Sur la base du droit de conservation, Vattel fonde un droit des gens, dont le premier principe est l’indépendance réciproque des souverainetés. Par défiance pour l’hégémonie d’un Pape ou d’un Empereur, il écarte même,