Page:Vattel - Le Droit des gens, ou principes de la loi naturelle, 1758, tome 1.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xviii

d’imparfait devient parfait ; l’égoïsme, n’étant plus qu’arbitraire et caprice, s’efface devant l’altruisme. Mais cette constatation ne peut émaner que de l’État prié. De même que l’usage innocent se manifeste tacitement par l’aveu de l’État qui l’accorde, la compatibilité du devoir envers autrui et du devoir envers soi-même se manifeste expressément par le traité, qui donne à l’étranger ce qu’il demande. Il existe un moyen de transformer le droit imparfait en droit parfait : c’est le contrat (Wolff, Inst., § 97). « Trop convaincues du peu de fonds qu’il y a à faire sur les obligations naturelles des Corps politiques, sur les devoirs réciproques que l’humanité leur impose, [les Nations] les plus prudentes cherchent à se procurer par des Traités les secours et les avantages que la Loi Naturelle leur assurerait, si les pernicieux conseils d’une fausse politique ne la rendaient inefficace » (II, § 152).

Dans l’école du droit de la nature et des gens, à laquelle appartient Vattel, le contrat joue un grand rôle. De même qu’il est à la base de l’État, dans le droit public interne, sous le nom de pacte social, il est encore à la base du droit international public, sous le nom de traité. Par le pacte, l’État se forme. Par le traité, il s’assure les droits nécessaires à son développement.

Où le droit est parfait, les traités sont inutiles. « Les traités par lesquels on s’engage simplement à ne point faire de mal à son allié, à s’abstenir envers lui de toute lésion, de toute offense, de toute injure, ne sont pas nécessaires, et ne produisent aucun nouveau droit ; chacun ayant déjà naturellement le droit parfait de ne souffrir ni lésion, ni injure, ni véritable offense » (II, § 171). Où le droit est imparfait, au contraire, les traités lui donnent la perfection, qui lui manque. Bien que Vattel, s’en tenant aux principes, cite peu de conventions, cette notion du traité est, chez lui, fondamentale.

Non seulement les traités aident les droits imparfaits à devenir parfaits, mais ils rendent indiscutables les droits parfaits basés sur la nécessité, comme l’usucapion ou la prescription, ou encore les organisent dans le détail, quand le droit naturel n’en détermine que le principe. Et, par exemple, « puisque la prescription est sujette à tant de difficultés, il serait très convenable que les Nations voisines se missent en règle à cet égard, par des Traités, principalement sur le nombre d’années requis pour fonder une légitime prescription ; puisque ce dernier point ne peut être déterminé en général par le Droit Naturel seul » (II, § 151). Ou encore : « Il peut arriver qu’une Nation se contente d’occuper seulement certains lieux, ou de s’approprier certains droits dans un pays qui n’a point de maître, peu curieuse de s’emparer du pays tout entier. Une autre pourra se saisir de ce qu’elle a négligé ; mais elle ne pourra le faire qu’en laissant subsister dans leur entier… tous les droits qui sont déjà acquis à la première. Dans ces cas-là, il convient de se mettre en règle par une convention » (II, § 98).