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Telle est la force et l’importance du contrat, dans la doctrine de Vattel, que, ce que la nécessité commande aux États dans leurs rapports entre eux, Vattel présume qu’ils l’ont voulu : d’où le nom de droit des gens volontaire, qu’il applique au droit non-conventionnel, c’est-à-dire aux règles relatives à l’interprétation des traités, à l’utilité manifestement innocente, au droit de la nécessité, aux restrictions que le souci de la paix, le respect de la liberté des nations apportent à la justice (Préliminaires, § 21).

Divisant le droit des gens en droit naturel ou nécessaire ou interne, qui n’est qu’un droit obligatoire dans la conscience, une pure morale (Préliminaires, § 7) et en droit des gens positif ou externe (Préliminaires, § 27), Vattel subdivise le droit des gens positif en trois espèces, Volontaire, Conventionnel et Coutumier, qui procèdent tous de la volonté des Nations : le droit volontaire, de leur consentement présumé ; le droit conventionnel, d’un consentement exprès ; et le droit coutumier, d’un consentement tacite.

Comme le traité, la coutume, contrat tacite, aide encore à la transformation des droits imparfaits en droits parfaits. N’ayant que le devoir imparfait d’accueillir des consuls, les Nations qui les reçoivent pourraient leur refuser les immunités nécessaires. « La coutume doit servir de règle dans ces occasions » (II, § 34). Le droit coutumier « est fondé sur le consentement tacite, ou, si vous voulez, sur une convention tacite des Nations qui l’observent entr’elles. D’où il paraît qu’il n’oblige que ces mêmes Nations qui l’ont adopté, et qu’il n’est point universel, non plus que le Droit Conventionnel » (Préliminaires, § 25). « Si cette coutume est indifférente en soi, et à plus forte raison, si elle est utile et raisonnable, elle devient obligatoire » (Préliminaires, § 26). À côté des traités, la coutume peut donc travailler à la transformation des droits, d’imparfaits en parfaits. Mais, par rapport aux traités, elle est très inférieure. À la différence des traités, qui ont un terme, elle peut, immédiatement, cesser d’être obligatoire : il suffit que les Nations « tenues à l’observer » déclarent expressément ne plus vouloir la suivre (Préliminaires, § 26). De plus, si elle renferme quelque chose d’injuste ou d’illicite, elle n’est d’aucune force, tandis qu’un traité, même injuste ou illicite, sans effet en droit interne, « dans la conscience » (Préliminaires, § 27), n’en demeure pas moins obligatoire en droit externe.

Plus réduit que le rôle de la coutume est celui de l’arbitrage : ce qui, tout d’abord, étonne. Si, du droit imparfait au droit parfait, la distance est celle d’un doute, ce doute ne peut-il, en l’absence de convention expresse (traité) ou tacite (coutume), se dissiper, non par l’avis, toujours suspect, de l’Etat requis, mais par l’opinion, impartiale, d’un juge ? Nullement. « Les Nations étant libres, indépendantes, égales, et chacune devant juger en sa Conscience de ce qu’elle a à faire pour remplir ses devoirs… il n’ap-