Page:Vattel - Le Droit des gens, ou principes de la loi naturelle, 1758, tome 1.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxx

des notes, inspirées des événements, une nouvelle édition, dont il adresse trois exemplaires à Franklin. Vattel, répond Franklin, arrive au bon moment :


« It came to us in good season, when the circumstances of a rising State made it necessary frequently to consult the Law of Nations »   (Franklin à Dumas, décembre 1775)[1].


Les pères de l’indépendance se sentent bien vite en communauté d’idées avec Vattel. Ils lui savent gré de louer « la modération des puritains anglais, qui, les premiers, s’établirent dans la Nouvelle-Angleterre, » en achetant des Indiens le terrain qu’ils voulaient occuper. Bien que leur libéralisme, progressivement étendu jusqu’à la plénitude de la liberté religieuse, dépasse de beaucoup celui de l’Angleterre et, dès lors, de Vattel, ils retrouvent, chez l’écrivain suisse, toutes leurs maximes de liberté politique : le droit, pour un peuple, de se séparer de l’État dont il est membre (I, § 201, 202), l’obligation, pour la Nation, d’assurer le bonheur de tous, obligation qu’eux-mêmes inscrivent, dans la Constitution, comme but de l’État ; enfin la recommandation de ces Confédérations de Républiques, auxquelles, de 1778 à 1787, les États-Unis devaient confier leur avenir, instruits par Vattel et Rousseau, qu’ils y trouveraient un sûr garant d’équilibre et de paix.

De 1776 à 1783, plus les États-Unis progressent, et plus Vattel prend d’autorité. En 1780, son Droit des gens est, dans les universités, un livre classique, un Textbook[2].

En Allemagne, où les idées libérales étaient moins en faveur, son succès, au contraire, fut moins grand, mais cependant réel[3]. Kant le cite parmi les auteurs qu’il nomme[4].

  1. Wharton’s The Revolutionary Diplomatic Correspondence, II, p. 64. Le Chief Justice Marshall, en 1827 devait dire : “ When we advert to the course of reading generally pursued by American statesmen in early life, we must suppose, that the framers of our Constitution were intimately acquainted with the writings of those wise and learned men, whose treatises on the laws of nature and nations have guided public opinion on the subjects of obligation and contract.” (Ogden v. Saunders, 12 Wheat 213, 353.)

    Le professeur J. B. Thayer de Harvard signale, dans ses Cases on Constitutional Law, Cambridge, 1895, I, p. 951, l’existence à la bibliothèque de Harvard d’une édition d’Amsterdam de Vattel, entrée comme don de B. Franklin. Un autre exemplaire en fut remis par Franklin à la Library Company of Philadelphia. Le registre des directeurs porte cette mention : “ Oct. 10, 1775. — Mr. Dumas having presented the Library with a very late édition of Vattel’s Law of Nature and Nations (in French), the Board direct the secretary to return that gentleman their thanks.” Cet exemplaire fut certainement utilisé par les membres du Second Congrès Continental, qui siégeait à Philadelphie ; par les chefs éminents, qui dirigèrent la politique des Colonies Unies jusqu’à la fin de la guerre ; et enfin par les hommes qui siégèrent à la Convention de 1787 et firent la Constitution des États-Unis, car la bibliothèque était logée au Carpenters’Hall, où le Premier Congrès délibéra, à un jet de pierre de la Colonial State House of Pennsylvania, où le Second Congrès se réunit, et également près du lieu où la Constitution s’élabora. (George Maurice Abbott, A Short History of the Library Company of Philadelphia, 1913, p. 11.)

  2. Jesse S. Reeves, The influence of the law of nature upon international law in the United States, Amer. Jour, of International Law, 1909, p. 551.
  3. Cfr. Ompteda (le baron d’), Litteratur des gesamten sowohl natürlichen als positiven Volkerrechts, Ratisbonne, 1785, p. 338.
  4. Citation d’ailleurs sceptique, comme un de ces « tristes consolateurs »   auxquels on s’adresse pour justifier une déclaration de guerre, quoique leur Code « ne puisse avoir la moindre force légale. »