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plaire au peuple anglais qui refusait alors d’inscrire le droit de croire sur la première liste, par lui dressée, de toutes les libertés. Dans la partie, purement internationale, de son œuvre, il arrive, sans doute, à propos, notamment, de la déclaration de guerre — condition, pour lui, nécessaire, des hostilités — que Vattel contrarie les vues de la politique anglaise ; mais le plus souvent sa doctrine s’accorde pleinement avec elle. Sujet du roi de Prusse, il n’hésite pas à donner à la Grande-Bretagne raison contre la Prusse : « Le prince ne doit intervenir dans les causes de ses sujets en pays étrangers et leur accorder sa protection que dans les cas d’un déni de justice. »   À peine Vattel a-t-il formulé ce principe que, cherchant un exemple, il ajoute : « La Cour d’Angleterre a établi cette maxime avec beaucoup d’évidence, à l’occasion des Vaisseaux Prussiens saisis et déclarés de bonne prise, pendant la dernière Guerre  » (II. §84). Il approuve l’Angleterre d’avoir fait deux fois la guerre à Louis XIV, la première « parce qu’il soutenait les intérêts de Jacques II déposé dans les formes par la Nation, la seconde parce qu’il reconnut sous le nom de Jacques III le fils du Roi déposé. » À l’époque où, en France, Mably réclame l’insaisissabilité de la propriété privée ennemie sous pavillon ennemi, pour ruiner l’Angleterre, il développe la doctrine anglaise, qui permet à la guerre d’avoir effet sur les biens des particuliers. Suisse vivant en Europe, au service de la Saxe, il glisse sur la guerre maritime ; et la Grande-Bretagne, si curieuse qu’elle soit d’un tel sujet, lui sait d’autant plus gré de cette discrétion, que, l’année suivante (1759), le Danois Hübner devait publier un livre, plus au courant, sans doute, des détails du droit maritime, mais d’autant moins agréable à l’ « illustre nation. »

Aussi, le Droit des gens de Vattel plut-il à l’Angleterre à ce point qu’à trois reprises, en 1760, en 1793, en 1797, une traduction en parut, traduction anonyme, à laquelle, cependant, il semble qu’en 1797 William Cobbett ne fût pas étranger.


Aux États-Unis, plus encore épris de liberté, l’accueil fut d’autant plus favorable. De 1758 à 1776, Grotius, Pufendorf, Burlamaqui sont lus, étudiés commentés dans les colonies anglaises d’Amérique. Vattel y semble, alors, inconnu. En 1773, le droit des gens s’enseigne à King’s Collège (aujourd’hui Columbia University). En 1774, Adams, en 1775, Hamilton citent ou recommandent Grotius, Pufendorf, Locke. Ni l’un ni l’autre ne nomment Vattel. Mais la guerre libératrice vient donner aux Colonies Unies le nouveau nom d’États. Une lourde tâche sollicite le peuple américain, qui, par l’étude du droit de la nature et des gens, se prépare à la grande œuvre de l’Indépendance. Soucieux de la construire sur des bases solides, ses hommes d’État se tournent vers les publicistes d’Europe. Ch. W. F. Dumas, Suisse de Hollande, ardent républicain, relit à leur intention Vattel, en donne, avec