Page:Vattel - Le Droit des gens, ou principes de la loi naturelle, 1758, tome 1.djvu/85

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ix
PREFACE.

entroient dans ſon plan, il n’ait pû parvenir toujours aux idées diſtinctes, ſi néceſſaires cependant dans les Sciences. Perſuadé que les Nations, ou les Puiſſances ſouveraines ſont ſoumiſes à l’autorité de la Loi Naturelle, dont il leur recommande ſi ſouvent l’obſervation ; ce Savant reconnoiſſoit dans le fonds un Droit des Gens Naturel (qu’il appelle quelque part Droit des Gens interne), & peut-être paroîtra-t-il ne différer de nous que dans les termes. Mais nous avons déjà obſervé, que pour former ce Droit des Gens Naturel, il ne ſuffit pas d’appliquer ſimplement aux Nations ce que la Loi Naturelle décide à l’égard des particuliers. Et d’ailleurs, Grotius, par ſa diſtinction même, & en affectant le nom de Droit des Gens aux ſeules maximes établies par le conſentement des Peuples, ſemble donner à entendre, que les Souverains ne peuvent preſſer entr’eux que l’obſervation de ces dernières maximes, réſervant le Droit interne pour la direction de leur Conſcience. Si partant de cette idée, que les Sociétés Politiques, ou les Nations, vivent entr’elles dans une indépendance réciproque, dans l’état de Nature, & qu’elles ſont ſoumiſes, dans leur qualité de Corps Politiques, à la Loi Naturelle, Grotius eût de plus conſidéré, qu’on doit appliquer la Loi à ces nouveaux ſujets d’une manière convenable à leur nature, ce judicieux Auteur eût reconnu ſans peine, que le Droit des Gens Naturel eſt une Science particulière ; que ce Droit produit entre les Nations une obligation même externe, indépendamment de leur volonté ; & que le conſentement des Peuples eſt ſeulement le fondement & la ſource d’une eſpèce particulière de Droit des Gens, que l’on appelle Droit des Gens Arbitraire.

Hob-