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UNE VENGEANCE

Georges était très riche, et je fus étonné qu’il n’eût pas restauré sa demeure et tiré parti de ce site admirable. Avec une somme relativement minime on eût obtenu des merveilles ; et, tout en longeant l’allée de platanes qui conduisait à la grille d’honneur, je me plaisais à imaginer des changements dans les dispositions du parc et du jardin anglais pour le moment envahis par les ronces et les hautes herbes.

Une grande tristesse se dégageait du château qui, à l’exemple de certain vieux castel décrit par Edgard Poe, était entouré d’une atmosphère spéciale due, sans doute, à l’étang voisin dont la surface trouble se couvrait de lentilles d’eau et de nénuphars aux larges fleurs jaunes. Des vols de corbeaux passaient lourdement, et le coassement des grenouilles vibrait dans la mélancolie des choses.

L’horizon rougeoyait sur les forêts de chênes lointains et de pins sauvages où les dernières brises s’envolaient dans le soir ; les eaux, immobiles comme de grands miroirs tombés, réfléchissaient le sang du ciel avec une solennelle horreur.

Que de rêves ont dû se briser là, dans la sinistre réalité de la mort et de la destruction ! pensai-je. Que de réveils ont creusé des rides et blanchi des cheveux ! Que d’heures ont sonné dans la solitude