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UNE VENGEANCE

— Vous ne savez pas ?… Vous la verrez demain, elle se venge ?… Oh ! monsieur, laissez-moi partir ! Mes soins sont inutiles, puisque vous surveillez mon maître… Son évanouissement cessera avec les lueurs de l’aurore. Que pourrait un pauvre nègre malade et plus faible qu’un enfant !

Porto s’était presque agenouillé en me tendant ses mains suppliantes. Son visage sous l’influence de la peur se contractait, se ridait, et semblait tout mince, comme une pomme desséchée sur l’arbre.

Je me sentais mal à l’aise, et, prenant la lampe qui brûlait auprès du lit, je m’avançai dans la chambre décidé à en explorer les moindres recoins.

Sur les murs pendait une tapisserie des Gobelins représentant le triomphe d’Amphitrite d’après Boucher, le plafond formé de poutrelles de chêne noircies portait à ses angles l’écusson de la famille : d’azur à une bande de sable chargée de quatre besants d’or, et, à chaque quartier une croix d’or patriarcale avec cette devise : Una fides unus dominus. Les meubles en tapisserie au petit point ou en brocart changeant avaient des formes raides et surannées ; une vague odeur de moisissure et de potions pharmaceutiques flottait dans l’air.