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UNE VENGEANCE

Porto écroulé sur le tapis, se cachait le visage de ses mains : il poussait des gémissements aigus qui me crispaient effroyablement les nerfs.

Je ne vis rien d’anormal dans cette vaste pièce, et j’allais me rasseoir au chevet du moribond, quand une sorte de voile noir, jeté sur un objet que je ne pouvais définir, attira mon attention. Je le soulevai avec précaution et dégageai une statue de femme de grandeur naturelle, d’un métal clair et brillant comme de l’argent.

Elle avait les bras tombants le long du corps qui s’infléchissait un peu en avant, et la tête inclinée sur l’épaule gauche. Je levai la lampe pour mieux voir le visage, et je le trouvai singulièrement expressif, mais d’une expression effrayante d’angoisse et d’horreur. Le corps entièrement nu, fin et pur, avait cependant une raideur bizarre, maladroite, qu’on ne s’expliquait pas dans un travail aussi scrupuleux, car les moindres plis de la chair, les pores mêmes de la peau étaient rendus avec une fidélité exagérée. Je cherchai le nom de l’étrange sculpteur qui avait exécuté cette œuvre ; je ne le trouvai pas, le piédestal de bronze ne portait ni date, ni signature.

— Quelle est cette statue ? demandai-je au nègre, après m’être éloigné de quelques pas pour mieux la voir dans son ensemble.

— Je ne sais pas, répondit-il d’une voix sacca-