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UNE VENGEANCE

je me dressai sur mon séant en cherchant à reprendre mes sens.

» Une bûche à demi consumée avait roulé jusque sur les chenêts, et une grande flamme oblique éclairait la chambre. Je sentis tous mes cheveux se dresser sur ma tête, et, sans voix, sans mouvement, je restai les yeux dilatés par l’épouvante.

» Bérénice était là, ou, plutôt, son image déformée, hideuse, terrible. Elle se tenait immobile près de mon lit, son corps brillait d’une lueur livide. Je voulus crier, mais ma gorge contractée ne laissa passer qu’un râle d’agonie. Pendant une heure, je restai à la contempler, sentant mes idées se heurter éperdûment dans ma tête, et les battements de mon cœur marteler ma poitrine. Je me refusais à admettre ce que je voyais. A la fin. pourtant, cela entra dans mon âme, de force, victorieusement ; cela s’imprima en feu sur ma raison frissonnante. Elle était morte, oh oui ! je ne pouvais plus en douter, et son spectre lamentable revenait auprès de celui qu’elle avait uniquement chéri, ici-bas. Clairon l’avait également reconnue, car il hurlait dans la cour comme au moment du crime. Je tendis les bras vers elle, et l’appelai doucement d’une voix trempée de larmes.

» Il me sembla que son visage se contractait, que ses lèvres s’entr’ouvraient pour me répondre ;