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L'ANARCHISTE

Je crus un moment qu’il allait bondir sur moi ; mais il haussa les épaules et une grande expression de tristesse se répandit sur ses traits.

— Tenez, Monsieur, dit-il doucement, ne parlons plus de ces choses… Vous ne savez pas tout, et ne pouvez comprendre… J’aime Claudie… dites-le lui, et soyez persuadé que ma dernière pensée sera pour elle… et pour vous. Adieu ! Je me suis juré de ne pas faiblir, et, quoi qu’il m’en coûte, je tiendrai mon serment.

Je sortis de la prison en proie à une agitation extrême : le trottoir dansait sous mes pas, des bourdonnements m’emplissaient les oreilles, il me semblait que j’avais fait un rêve horrible et que je n’étais pas encore bien éveillé. Je fus longtemps à me remettre de ma pénible émotion, et, dans la crainte de me trahir, je m’abstins d’aller chez Claudie ce jour-là.

Elle apprit par une lettre laborieusement écrite que « son ami se portait bien et qu’il attendait impatiemment l’heure de la liberté. » Je la rassurai sur les intentions de la justice et lui expliquai par quels concours de circonstances Jacques avait été cru coupable, alors qu’au contraire, il n’avait pris aucune part aux derniers événements. Je mentais fort mal, mes raisonnements ne tenaient pas debout et ma lettre était incohérente, mais il n’était pas besoin de se mettre tant