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BARCELONE

Au surplus, ils auraient été mal venus à faire, dès le premier jour, les difficiles, les chers exilés ; car, il leur faudra s’habituer, quoi qu’il en coûte, à la gêne, aux privations, à la pauvreté.

IV

Arrivés à Barcelone le 10 novembre, ils s’installent, le 15, au numéro 59 de la calle Ancha au premier étage d’une maison spacieuse mais vide. Comment la meubler ? Le P. Marie a parcouru les magasins et acheté des lits : matelas, draps, couvertures, « tout cela pauvre et assez vieux ». Après le souper, qui eut lieu chez les Sœurs, et, la nuit tombée, « nous partons, écrit le frère Verjus, par bande, emportant sous nos bras les bagages. C’était tout à l’ait primitif et touchant. Jamais Barcelone n’avait vu passer dans ses rues des ecclésiastiques ainsi chargés. J’avais pour mon compte deux énormes paquets qui m’arrondissaient les côtes[1] ».

Le bon Frère aimait la pauvreté, « la sainte pauvreté », non pas d’un amour idéal, platonique, non pas à la condition de ne manquer de rien, mais dans la réalité et dans la douleur des choses. Il eut de quoi se satisfaire. L’ameublement des cellules n’est pas riche : une chaise, une table, un lit, quelques livres. « Je suis heureux de cette pauvreté, écrit-il. Au moins on a l’occasion de pratiquer son vœu jusqu’au bout. » Telle qu’elle est, sa cellule ne tardera pas à faire ses délices. « Je l’aime déjà beaucoup. Elle est celle de l’exil. »

Le Père supérieur l’a nommé « cuisinier en second », s’étant adjugé à lui-même, comme il convenait, l’honneur d’être « cuisinier en chef ». Pour batterie de cuisine, ils n’ont à leur disposition qu’une petite marmite, une casserole minuscule, un seau et un couteau. Le premier essai ne fut pas heureux. Outre qu’il oublia le sel, le frère Verjus laissa fondre une cuillère, en préparant le rôti. Un

  1. 15 novembre.