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L’EXIL


soleil recommencent les extases. Les Pyrénées lui rappellent les pics neigeux de la Savoie. Des refrains, qu’il a entendus à la Petite-Œuvre, lui reviennent en mémoire et bourdonnent à ses oreilles. Son enthousiasme fut au comble et déborda, lorsqu’il vit, tout ensemble, les montagnes, d’un côté, et, de l’autre, pour la première fois, la mer, « la belle Méditerranée, calme, bleue, brillante comme un cristal ». Le P. Marie, à plusieurs reprises, dut l’inviter à mettre une sourdine à ses exclamations. À Perpignan, les voyageurs rencontrèrent le futur supérieur de la maison d’Espagne, expulsé lui-même de la maison d’Arles. « C’est le même entrain, écrit le frère Verjus, au milieu des mêmes souffrances. » En quelques tours de roue on est en Espagne. Le temps manque pour admirer à loisir les plants d’oliviers sur les flancs des montagnes et les buissons de grenadiers qui bordent les routes. « Les paysages et les échappées de vue sur la mer sont à peindre... On passerait et on repasserait des journées entières sans se lasser. »

Le soir, les six voyageurs arrivaient à Barcelone. « Nous saluâmes, dit le Frère, les anges gardiens de la ville. » Puis, on alla frapper à la porte d’un couvent de la Présentation. L’émoi fut grand dans la maison. — « Les Pères sont là. — Nous ne les attendions pas ce soir. — Où vont-ils se loger ?… » — Enfin tout se calme. Tout s’arrange. On s’assied. On cause. On interroge. On attend. Puis, le souper s’improvisant , on lui fait honneur. L’heure venue du coucher, chacun se disperse. Un pieux voisin donne au P. Marie et au frère Verjus une hospitalité plus généreuse que confortable. Le Frère raconte la chose avec une gaieté de style charmante. « Nous arrivons. Il nous offre un petit verre, et, après nous avoir énuméré tous ses titres à notre confiance et à notre admiration, il nous permet enfin de nous coucher ; je n’essaierai pas de dire où. En France, on appelle cela des fourre-tout ; mais, à cheval donné on ne regarde pas la dent. Ce bon monsieur nous recevait avec tant de cordialité que nous ne pouvions pas faire les difficiles. »