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BARCELONE

jamais je ne descende ! Que jamais je ne souille cette robe d’innocence que vous avez lavée dans votre sang. C’est aujourd’hui, mon Jésus, c’est aujourd’hui surtout que je reconnais combien votre joug est léger. Sans doute je ne comprends pas encore la grâce immense que vous m’avez faite, en m’admettant au nombre de vos soldats d’avant-poste, si jeune encore, et n’entendant rien au maniement des armes, sans défense, sans guide, sans autre bouclier que ma confiance illimitée en votre bonté.

« Me voilà lancé ! Je ne reculerai pas, ô mon Dieu, dût-il m’en coûter mille épreuves, mille contradictions, mille serrements de cœur, plus terribles que la mort !

« La mort ! Ô mon Dieu, la mort au milieu de vos rangs, après avoir combattu, en combattant pour vous ! Voilà ce que je vous demande...

« Vous m’avez toujours exaucé, ô mon Dieu. Je vous ai demandé de sauver ma vocation à la Petite-Œuvre, vous l’avez fait d’une manière admirable. Je vous ai demandé le noviciat, les vœux, le professorat, l’exil, vous m’avez tout accordé... Maintenant, je vous demande un autel pour y dire une messe, et une île sauvage pour y mourir... »

Après cette chaude effusion de sa reconnaissance, l’heureux profès raconte brièvement la cérémonie. Au sortir de son oraison qu’il a prolongée jusqu’à sept heures, la sainte messe. « Comme mon cœur battait ! Mon oraison n’était pas achevée, qu’importe ! Je continuerai à la chapelle... La messe commence, à l’autel de Saint-Joseph. Le Cœur de Jésus me fait la grâce de ne penser qu’à lui. Après l’élévation, je me mets en adoration. Mon sacrifice (s’il y a sacrifice) m’apparaît comme une immense grâce que me fait le Sacré Cœur. Je me fonds en actions de grâces jusqu’à la sainte communion. Le moment venu, le bon Père supérieur se retourne (j’étais à ses pieds) avec la sainte hostie élevée et me fait signe de commencer... Alors, avec un bonheur indicible, je prononce la formule, bien ému, mais sans hésiter...

« Après !... Quel abîme entre ces deux moments !