Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
151
BARCELONE

Jésus qui était tout près de moi dans son tabernacle. Je regardais la petite lettre que j’avais écrite le 15 août pour lui demander de partir aujourd’hui. Il ne me vint pas à l’idée de me plaindre ; mais je me mis à pleurer, comme quelqu’un qui est bien résigné, mais qui ne comprend pas. Je suis bien sûr, ô mon Jésus, que mes larmes ne vous ont point offensé. Je vous aime trop et je sais trop que vous en savez plus que moi pour revenir sur votre refus, alors même que la grâce demandée n’était que pour vous prouver tout de bon mon amour. Ô chères Missions, je vous aime ; mais, si pour prouver à Jésus que je l’aime plus que vous, il fallait vous sacrifier, je le ferais sur l’heure et brûlerais tout ce que j’ai fait ! » Et le bon Frère, comme effrayé de cette sorte d’audace dans l’amour, se reprend : « Mon Dieu, cette pensée seule me fait trembler. Il me paraît que, sans les Missions, je suis comme un navire perdu qui va où le vent le pousse. Mes chères Missions m’ont sauvé. Elles me sauveront encore. Je ne demande qu’une chose, c’est de les clore par le martyre... Vous ne voulez pas, ô mon Dieu, je le comprends, que je parte encore, afin que je me prépare dans l’étude, dans le silence et dans la prière. » Après l’allocution du Père, le frère Verjus chanta le cantique d’ « Adieu à Notre-Dame du Sacré-Cœur » ; mais, au lieu de dire au second vers : « Nous reviendrons avec bonheur », il improvisa cette variante :

Nous vous quittons, Vierge Marie,
Nous laissons tout avec bonheur...

Après la messe, le P. Jouët voulut, à son tour et au nom du T. R. Père général, adresser la parole aux chers partants. Il le fit avec un attendrissement si contagieux que tout le monde pleurait. Puis, tandis que le même Père distribuait aux Missionnaires des croix bénites, pour la circonstance, par le Souverain Pontife, le frère Verjus, saintement jaloux, chantait d’une voix qui remuait jusqu’à fond d’âme, un beau cantique composé par le supérieur de la maison et dont voici la première strophe :