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Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/272

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À LA CONQUÊTE D’UN MONDE

Le jour de l’ouverture de la chapelle fut triomphal. Le chœur est tapissé de verdure : eucalyptus, métrosidéros, mimosa ; tous les beaux arbres de l’île ont donné leurs feuilles et leurs fleurs. Au matin du 15 novembre, les « bons Manillois » sont là, aux portes de l’église, rayonnants. Le P. Navarre, en chape, escorté de deux acolytes en soutane rouge, suivi des Frères, procède à la bénédiction du temple et le dédie à Notre-Dame du Sacré-Cœur. Il bénit le tabernacle et le tableau, puis la grand’messe commence, la première grand’messe qui ait jamais été chantée dans ces parages. « Il y a vingt ans, écrivait le P. Verjus au T. R. P. Chevalier, on était loin de chanter des grand’messes dans le détroit de Torrès. De tous côtés, dans les îles, on ne parlait que de navires naufragés et d’équipages massacrés. À Thursday même, au dire des anciens navires, il y avait deux camps de terribles pirates qui épiaient les navires pour les attaquer. Aujourd’hui, notre sainte religion est venue, et avec elle la vraie civilisation. La Croix est arborée et respectée. Où l’on pleurait autrefois, l’on chante maintenant, et Thursday, ce repaire de pirates, est actuellement un port bon et sûr qui grandit tous les jours[1]. »

Au ton de cette lettre, il est facile de deviner que le cœur du P. Verjus est en joie. Depuis le jour où il a mis le pied dans l’île, c’est dans son âme une sorte de cantique perpétuel dont le refrain est toujours le même : «Quel bonheur ! me voilà dans mes chères Missions[1]… Quel bonheur de pouvoir enfin travailler immédiatement pour le bon Maître ! Quel bonheur d’être prêtre et, d’être en Mission ! Quel bonheur de célébrer sur ce pauvre petit autel dans mes chères Missions ! Quel bonheur de me sentir en Mission ! C’est pour moi un bonheur si grand que de temps à autre je me trouve comme en extase de joie et j’embrasse ma statue de Notre-Dame du Sacré-Cœur et mon crucifix avec plus d’amour que jamais. Je sens comme un immense besoin de m’unir intimement à Notre-Seigneur, de souffrir et de tra-

  1. a et b Lettre du 30 novembre 1885.