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Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/33

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OLEGGIO. SEYNOD. ANNECY

Mais, soudain : « Non, dit-il, je ne la frapperai pas : la pauvre bête n’a pas l’intelligence de ses actes. » Prenant alors sa voix la plus douce, il la rappelle, il la ramène, il la caresse, il la prend dans ses bras ; puis, courageusement, se remet au travail.

V

Les Sœurs de Saint-Joseph ne tardèrent pas à soupçonner les desseins de Dieu sur ce béni enfant. Sa tenue à l’église, son maintien dans la prière, les longues stations qu’il faisait devant le Saint Sacrement avant d’aller en classe, sa manière surtout de servir la messe, frappaient d’étonnement et quelquefois d’admiration les bonnes religieuses. L’une d’entre elles, plus particulièrement, sœur Saint-François, aimait à s’entretenir avec Henry. Un jour, elle le prend à part, et, à brûle-pourpoint, lui demande ce qu’il compte devenir. « Moi, dit-il fermement, je serai Missionnaire. — Missionnaire ! reprend la Sœur. Mais, mon pauvre Henry, tu n’y songes pas ! Pour être Missionnaire, il faut être instruit. Il faut savoir le latin, le grec, les sciences, la théologie, et bien d’autres choses encore... — Après, ma Sœur ? — Après ? Souvent tu seras seul dans les bois, dans les déserts, dans les montagnes. Des bêtes féroces viendront et elles te mangeront. — Et après ? — Tu souffriras du froid, du chaud, de la faim, de la soif, de toutes les maladies. — Et après ? — On t’enverra peut-être dans ces pays sauvages où les hommes se mangent entre eux. Ils te tueront et ils te mangeront. — Et après ? » Aux effroyables peintures de la vie de Missionnaire que lui faisait la Sœur, Henry restait impassible et invariablement répondait : « Et après ? » Enfin, la Sœur, un instant décontenancée, croit avoir trouvé l’objection décisive : « Mais’, mon pauvre enfant, y as-tu pensé ? — A quoi, ma Sœur ? — Une fois parti pour ces pays lointains, tu ne reverras plus ta mère !... » La Sœur avait frappé au point sensible. « Ah ! cela, dit-il,