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L’ENFANCE

c’est différent. » Et l’enfant, songeant à sa mère qu’il pourrait ne plus revoir jamais, se met à marcher de long en large, la main au front et l’esprit comme plongé dans un abîme. Au bout de quelques instants, il s’arrête ; il regarde la Sœur d’un calme et profond regard, semblable à un homme qui vient de prendre une résolution suprême : « Ma Sœur, je serai Missionnaire. » Henry avait onze ans.

En ce temps-là, au centre de la France, dans le Berry, une congrégation, jeune encore, avait fondé une École apostolique qui portait un nom déjà populaire : la Petite-Œuvre du Sacré-Cœur. Les Sœurs de Saint-Joseph, notamment sœur François et sœur Flavie[1], en étaient les zéla-

  1. Nous lisons dans la lettre circulaire envoyée le 18 août 1883 par la T. R. M. Marie-Louise Genin, supérieure générale, à ses filles, les religieuses de Saint-Joseph d’Annecy, sur la vie et la mort de la sœur Flavie : « Que dirons-nous de sa charité ?… Le bon Dieu lui fournit dans ses divers emplois et dans les localités où il la plaça, le moyen d’arriver à la sainte œuvre qui devait couronner les dernières années de sa vie. Je veux parler de la Petite-Œuvre… À Chens, sœur Flavie se rencontra souvent avec M. l’abbé Vandel, missionnaire du Sacré-Cœur et fondateur de la Petite-Œuvre. Ces deux âmes apostoliques unirent à ce moment leurs communes aspirations, et notre pieuse Sœur devint l’ardente zélatrice de la jeune famille d’Issoudun… Par son zèle industrieux elle fut assez heureuse pour envoyer à Issoudun un jeune enfant d’Annecy qui a trouvé en elle assistance et protection… » Le lecteur a reconnu Henry Verjus. La supérieure générale ajoute : « Et maintenant si vous me demandez ce que faisait au galetas sœur Flavie, près de ses caisses de chiffons, je vous dirai : Elle triait toutes ces hardes, ces effilures, ces papiers qu’elle pesait et envoyait au chiffonnier. L’argent qu’elle en retirait s’envoyait à Rome, à Issoudun, avec des offrandes de messes, de neuvaines qu’elle savait provoquer ; le tout allait grossir le trésor de Notre-Dame du Sacré-Cœur. » Disons avec la supérieure des religieuses de Saint-Joseph : « Des âmes vulgaires à qui il n’est pas donné de comprendre le beau, pourraient sourire dédaigneusement devant cette humble occupation, disant : Que de peines, de temps perdu pour, après tant d années, acheminer un prêtre à l’autel !… » Et la Révérende Mère conclut : Ô mes bonnes Sœurs, nous ne tenons pas ce langage, nous savons ce qu’est un prêtre dans l’Église de Dieu ; nous savons aussi que la vertu vaut ce qu’elle coûte, et que l’oreille de Celui qui entend le bruit de la feuille qui tombe, et dont l’œil sonde nos plus secrètes intentions, a vu et compté tous les pas et les sacrifices que notre humble Sœur s’est imposés, pour obtenir ce précieux résultat. » Cette note est longue ; mais nous tenions à glorifier la sœur Flavie et son pieux Institut. C’est notre manière aussi de remercier et d’encourager tant d’autres âmes qui sont les infatigables zélatrices de nos œuvres.