Page:Vaudon - Monseigneur Henry Verjus, 1899.djvu/575

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
551
LES DERNIERS JOURS. LA MORT

dire ! Cette parole ne pouvait sortir de mes lèvres, et le cher malade cependant l’attendait. Une sueur glacée perlait sur son visage, les larmes de la mort descendaient sur ses joues, et ses yeux toujours ouverts, plus brillants que jamais, se fixaient déjà comme en extase vers la céleste beauté qui le ravissait. C’était le Calvaire se changeant en Thabor.

« Je donnai une dernière absolution, et terminai la Recommandation de l’âme. Juste aux dernières paroles : « Et vous très compatissant Seigneur Jésus, qui nous avez rachetés de votre précieux sang, prenez, en pitié l’âme de votre serviteur ; daignez l’introduire dans les éternelles délices du Paradis pour qu’il vive avec vous d’un amour indissoluble, inséparable de vous et de vos élus », il exhala doucement son dernier soupir. »

Il était sept heures du matin. C’était un dimanche, le 13 novembre 1892, en la fête de son patron bien-aimé, l’angélique Stanislas. Mgr Verjus était âgé de trente-deux ans cinq mois et dix-neuf jours.


Quelle vie et quelle mort !

Avoir commencé, seul, en dépit de tous les obstacles, à travers des difficultés inouïes, une œuvre de conquérant, de civilisateur et d’apôtre ; avoir, dans les durs sillons d’un vaste champ que l’on a défriché de ses mains et labouré soi-même, jeté avec ses sueurs et ses larmes la bonne semence ; voir la moisson poindre, verdoyer et déjà blanchir, la belle moisson des âmes, mouvante et chantante, sous les souffles d’en haut et les divins rayons ; puis, au moment de la javeler et de la lier en gerbe, s’en aller au loin et mourir !

Mourir, quand on sent brûler dans sa poitrine toutes les ardeurs de la vie et toutes les flammes de l’apostolat ; mourir, quand on voudrait allumer en d’innombrables cœurs ce feu d’amour dont soi-même on est consumé ; mourir, quand on se prépare à jeter aux échos des sémi-