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— 1800 - 1807 —

agents du pouvoir exécutif. Ce résultat de l’audacieux coup de main politique de brumaire surprit les Bourbons sans les déconcerter ; loin de là : en ramenant la France aux institutions monarchiques, cet événement les confirma dans la conviction que, demeurée profondément royaliste, la France appelait de tous ses vœux le retour de l’ancienne royauté ; et que, simples incidents dans son évolution révolutionnaire, les changements qui s’y succédaient ne faisaient que déplacer les influences dominantes et changer le nom de ses éphémères gouvernants. Bonaparte venait de remplacer Barras au timon des affaires ; les Bourbons oublièrent Barras et s’adressèrent à Bonaparte.

Ce n’était pas la première fois que l’émigration songeait à gagner ce général à la cause royaliste. La lettre écrite par Louis XVIII à Pichegru, le 9 juin 1796[1], autorisait ce dernier à tenter quelques démarches auprès des généraux de l’armée d’Italie. Le soin de ces démarches fut confié au comte de Montgaillard, que l’on chargea, quelque temps avant le 18 fructidor, d’offrir à Bonaparte, au nom de ses maîtres, la vice-

    d’après ses propres affirmations, et sur lequel il gardait un silence d’oracle. Il le soumit, en effet, aux Consuls ses collègues ; mais Bonaparte en avait brusquement repoussé les dispositions principales en les qualifiant de « nouveauté bizarre, de création monstrueuse, composée d’idées hétérogènes qui n’offraient rien de raisonnable. » Sieyès venait de siéger, au sein de la commission consulaire, l’espace de quelques semaines ; à sa sortie de cette commission, où il n’avait donné que des preuves de la plus complète impuissance, il reçut, pour prix du mois qu’il y avait passé, la toute propriété du magnifique domaine national de Crosne. On sait la somme considérable que déjà il s’était adjugée à son entrée dans la commission : son concours au coup d’État de brumaire lui fut ainsi payé deux fois.
    Ce prêtre était aussi orgueilleux que cupide. Aumônier d’une princesse de France, il disait un jour la messe devant elle ; un accident oblige la princesse de se retirer ; ses dames la suivent. Sieyès, très-occupé à lire son missel, ne s’en aperçoit pas dans le premier moment ; mais quand, en se retournant vers l’assistance, il se voit abandonné par tout ce qu’il y avait de grands seigneurs, et réduit, pour auditoire, à la basse domesticité, il ferme brusquement le missel et se retire, s’écriant : « Je ne dis pas la messe pour la canaille. »

  1. Voyez p. 18.