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— 1800 - 1807 —

rection de la guerre. Le Premier Consul ne laissa pas à M. de Montesquiou le loisir de lui soumettre ces singulières propositions ; le soir même du jour où la seconde lettre de Louis XVIII lui fut remise, Bonaparte fit signifier à l’abbé qu’il eût à quitter immédiatement la France ou à cesser d’être le correspondant des Bourbons.

Le comte d’Artois, pour agir de son côté, n’avait pas attendu les confidences ou les ordres du roi son frère. Peu de jours après l’établissement du Consulat, une dame, qui était fort avant dans l’intimité du prince, la duchesse de Guiche, avait quitté Londres, chargée de sonder le nouveau chef de la République. Cette dame pénétra facilement auprès de madame Bonaparte, que sa naissance et son premier mariage mettaient en contact naturel avec les personnes de l’ancienne cour. La duchesse fut invitée à déjeuner à la Malmaison : pendant le repas, elle amena la conversation sur Londres, sur l’émigration ainsi que sur les membres de l’ancienne famille royale, et raconta négligemment que, se trouvant peu de jours avant son départ chez le comte d’Artois, on avait demandé devant elle à ce prince quelle serait la récompense accordée par la famille royale au général Bonaparte, dans le cas où il rétablirait les Bourbons. « Nous le ferions d’abord connétable, aurait répondu le Comte ; tout ce qu’il demanderait ensuite lui serait accordé, et, comme ce ne serait pas encore assez, selon moi, nous élèverions sur le Carrousel une haute colonne surmontée de la statue de M. Bonaparte couronnant les Bourbons. »

Madame Bonaparte, ainsi que l’espérait la duchesse de Guiche, rapporta cette conversation à son mari, immédiatement après le déjeuner. À quelques heures de là, l’amie du comte d’Artois recevait de la police l’ordre de reprendre dans la nuit même la route de Londres. Bonaparte, à l’occasion de cette double démarche, déclara publiquement que, tant qu’il gouvernerait, les Bourbons ne rentreraient pas en France. Il ajoutait, au sujet des négociations entamées avec Barras et