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— 1814 —

de la longue guerre de la France contre l’Europe. Cette circonstance popularisa son nom dans le peuple et dans l’armée. Elle fit oublier les malheurs de son commandement ; on lui sut gré de ce dernier combat comme d’une héroïque protestation contre toutes les lâchetés de Paris et de Fontainebleau ; les soldats, dans leur noble crédulité, faisaient au maréchal l’honneur de supposer qu’il s’était battu, bien qu’ayant une connaissance certaine de la capitulation de Paris et de l’abdication de l’Empereur[1]. Cette popularité ne devait pas être de longue durée.

Les Bourbons avaient froidement accueilli le maréchal. Décidé à conquérir la faveur des nouveaux maîtres, le duc de Dalmatie affecta aussitôt pour eux un dévouement sans bornes ; son enthousiasme éclata par toutes les voies : lettres, discours, démarches personnelles, il mit tout en œuvre pour se faire pardonner ses proclamations à l’armée des Pyrénées et la défense de Toulouse. La rancune du duc d’Angoulême fut d’abord la plus tenace. Les portes de la nouvelle Chambre des pairs furent fermées au duc de Dalmatie. Au bout de quelques mois, pourtant, il obtint de rentrer en grâce ; et, dans les premiers jours d’octobre, les Bourbons accordèrent à ses instances le gouvernement de la Bretagne (13e division militaire). Sa nomination fut fêtée dans un dîner dont les journaux

  1. Les courriers expédiés par les souverains alliés et par le gouvernement provisoire étaient le colonel anglais Cook et le colonel français Saint-Simon. — Un écrivain royaliste ayant accusé M. Bouvier-Dumolard, ex-préfet de Tarn-et-Garonne, d’avoir été la cause du sang inutilement versé devant Toulouse en arrêtant à Montauban les courriers expédiés aux armées du Midi, M. Dumolard intenta un procès en calomnie à son accusateur, et invoqua, à l’appui de sa plainte, le témoignage de M. de Saint-Simon ; voici la déposition faite par ce dernier, le 2 mars 1815, à l’audience de la sixième chambre (police correctionnelle) du tribunal de première instance de la Seine : « Je suis la première personne qui ait été expédiée ; je suis parti de Paris le 7 au soir ; c’est ce jour-là seulement qu’on a cru la route d’Orléans ouverte. Arrêté dans cette ville, le 8, par les autorités qui obéissaient encore à la régente (Marie-Louise), et conduit à Blois, je ne fus réexpédié que le 9 ; il m’était donc physiquement impossible d’arriver à Toulouse assez à temps pour empêcher la bataille du 10. »