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— 1814 —

Le général Excelmans crut devoir profiter de cette occasion pour adresser ses félicitations au beau-frère de l’Empereur ; il confia à M. Andral une lettre pour Joachim. La lettre, saisie sur le voyageur, fut envoyée à M. de Blacas, qui la remit à Louis XVIII. Ce dernier, après l’avoir lue, se contenta de faire appeler le général Dupont, encore ministre de la guerre, et de lui donner l’ordre de mander le général Excelmans devant lui, et de l’inviter à se montrer plus circonspect à l’avenir[1].

Cette solution, la seule possible, la seule raisonnable, avait paru au maréchal Soult une coupable faiblesse. Il suffisait de vouloir, disait-il, pour mettre tous les mécontents et tous les frondeurs à la raison ; l’indulgence était un moyen détestable ; on ne réussissait que par la force. Dès le lendemain de son entrée en fonctions, il demanda le dossier du général, et, le 10 décembre, lui fit signifier que le roi venait de l’admettre au traitement de demi-activité de son grade, et que l’intention de Sa Majesté était qu’il jouît de cette demi-solde à Bar-sur-Ornain, département de la Meuse, où il aurait à se rendre sur-le-champ.

Le général Excelmans répondit le même jour « que madame Excelmans était dans son lit, près d’accoucher ; qu’il priait le roi de vouloir bien lui accorder un délai jusqu’au moment où la comtesse serait hors de danger ; qu’il devait faire, au reste, observer qu’il ne possédait rien nulle part ; que, depuis vingt ans, il n’avait pas d’autre domicile que Paris, où il s’était marié en janvier 1808, et qu’il était dès lors on ne peut plus douloureux pour lui de se voir ainsi arraché à sa famille et à ses affections, après plus de vingt ans d’un service toujours pénible, jamais lucratif. »

Cette réponse irrita doublement le maréchal. Les mots qui la terminaient établissaient un rapprochement qui dut le blesser. Simples soldats tous deux à leur début, le duc de Dalmatie et le comte Excelmans étaient parvenus aux plus hauts grades de l’armée, mais avec des résultats différents : l’un était

  1. Expressions du rapport fait à la Chambre des députés.