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pelant à cette occasion toutes les erreurs et toutes les fautes de ce monarque, qui tient, comme homme, dans le préjugé public, une place plus élevée que dans l’histoire.

Les deux Condé figuraient dans toutes les cérémonies ; leur rôle politique se bornait à ces apparitions officielles. Ils n’avaient plus qu’une valeur de souvenirs ; c’était une race qui s’éteignait. Le fils (le duc de Bourbon) concentrait tout ce qui lui restait de forces dans l’exercice de la chasse ; le père, dont les facultés s’affaiblissaient après une longue vie remplie vaillamment, signait des feuilles et des certificats de service, et s’emportait contre Louis XVIII, auquel il reprochait ses opinions un peu jacobines de 1788 et 1789, son émigration tardive et la Charte[1].

Seul, le duc d’Orléans trouvait grâce devant l’opinion. Le rôle de ce premier prince du sang était distinct ; sa position veut être expliquée.

L’instinct des partis avait semblé pressentir, dès le retour des Bourbons, la fortune que le hasard des révolutions, à quinze ans de là, réservait à ce prince. Vainement avait-il d’abord semblé vouloir se faire oublier ; quelque soin qu’il parût prendre pour s’effacer, la cour, ainsi que le public officiel, n’avait pas tardé à s’inquiéter de lui. Les royalistes, ne pouvant se résoudre à lui pardonner le vote de mort donné par son père dans le procès de Louis XVI, ni les opinions révo-

  1. On raconte de lui, à cette époque, les deux faits suivants :
    « Ses journées, pendant les premiers mois qui suivirent son retour, se passaient en réceptions de gens qui, sous prétexte d’avoir combattu sous ses ordres dans l’émigration, venaient solliciter de lui des certificats de service et des recommandations. Leur nombre, pendant quelques semaines, ne dépassa pas le chiffre approximatif des soldats-gentilshommes de l’armée de Condé qui avaient pu survivre aux événements ; mais la foule des visiteurs allait toujours grossissant. « C’est singulier, disait le vieux prince, tous ces gens-là prétendent que je les reconnais ; cela n’est guère possible, car je n’ai jamais eu là-bas que quelques régiments, et il est revenu une armée. »
    « Un jour on lui annonce M. de Talleyrand-Périgord. Le prince se lève, reçoit le visiteur et reconnaît le prince de Bénévent. Il feint de le prendre pour son oncle, l’archevêque de Reims, longtemps son compagnon d’exil, avec lequel il était revenu d’Angleterre, et alors grand aumônier de la maison du