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— 1815 —

intervenir. Malheureusement les principes font la loi des faibles ; les forts les proclament, mais ne s’y soumettent pas : et la Russie, de même que l’Autriche, n’avait pas attendu la réunion du congrès pour s’emparer des provinces qu’elle convoitait et qu’elle voulait garder. Ces deux cours, tout en protestant de leur inviolable respect pour le droit, avaient profité des circonstances de la guerre, celle-ci pour couvrir de troupes le nord de l’Italie, celle-là pour occuper en force toute l’ancienne Pologne. Ces malheureuses contrées, vouées à la conquête, ne dépendaient, à la vérité, que d’elles-mêmes ; et le droit des peuples, pour être le plus sacré, le seul incontestable, est le droit dont tiennent le moins compte les chefs de monarchies. La Saxe, au contraire, relevait d’une race royale et possédait un roi. Cette circonstance avait suffi pour arrêter le cabinet de Berlin ; il hésitait à briser une couronne.

Les projets de la Prusse sur la Saxe royale n’étaient plus un mystère depuis l’évacuation de notre territoire : le cabinet prussien en avait réclamé la possession, dès les conférences pour le traité de Paris. Le roi de Saxe, le plus loyal et le meilleur des hommes, était aimé de ses sujets. Le bruit de sa déchéance et de la cession de ses États à la Prusse alarma toutes les classes de la population saxonne. Des brochures, des adresses, protestations énergiques, furent publiées à Dresde et dans toutes les villes du royaume ; l’armée elle-même se prononça avec force contre les prétentions du cabinet de Berlin. Les principaux généraux, ceux qui s’étaient tournés contre nous avant la première journée de Leipsick, comme ceux qui les avaient imités, au milieu même du feu de la seconde bataille livrée devant cette ville, présentèrent, le 18 septembre, au prince russe Wolkonsky-Repnin, gouverneur général de la Saxe pour les Alliés[1], une adresse où, déclarant qu’ils n’avaient passé à la coalition et ne s’étaient

  1. La coalition, pour punir le roi de Saxe de sa fidélité à l’alliance française avait saisi son royaume et en avait donné la garde à la Russie.