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— 1815 —

tions comme un bétail humain. On en avait fait le compte ; il s’élevait en total à trente et un millions six cent quatre-vingt-onze mille deux cent quarante-sept têtes. Dans ce chiffre n’était point comprise la population des îles ou territoires coloniaux appartenant à la France, à la Hollande et à l’Espagne, dont l’Angleterre s’était déjà emparée ; cette puissance s’y était établie, et les gardait. C’était, nous l’avons dit, sa part de dépouilles ; elle n’admettait pas qu’on pût la lui disputer. La Russie, l’Autriche et la Prusse, au reste, n’y songeaient pas : puissances essentiellement continentales, qu’en auraient-elles fait ? Leur convoitise ne s’adressait qu’aux populations voisines de leurs États ; celles-là seules avaient été nombrées.

Ce chiffre de 32 millions de têtes à partager se trouvait notablement réduit, toutefois, par des cessions ou des restitutions de territoires qu’avaient déjà consacrées les divers traités particuliers et spéciaux conclus, dans les quinze derniers mois, à Kalish, à Reichenbach, à Tœplitz et à Paris. Ainsi la réunion de la Belgique à la Hollande, sous le nom de royaume des Pays-Bas, et celle de la Norvège à la Suède, étaient déjà deux faits accomplis ; l’Angleterre avait repris possession du Hanovre, devenu royaume ; la Lombardie était rentrée sous le joug autrichien, et la Savoie avait été replacée sous le sceptre du roi de Sardaigne. Des territoires étendus restaient cependant encore en litige. La Pologne, la Saxe et l’ancienne république de Venise étaient les plus considérables. La Russie exigeait la Pologne comme le prix de ses sacrifices à la cause de l’Europe ; la Prusse réclamait les États du roi de Saxe au même titre ; l’Autriche, à son tour, ne se croyait pas moins fondée à vouloir doubler, avec Venise et son territoire, l’étendue de ses anciennes possessions italiennes. C’était pourtant en invoquant l’indépendance des nations et la légitimité des souverains que les puissances avaient pris les armes. Toutes leurs promesses, toutes leurs déclarations, avant et pendant la guerre, faisaient de ces principes la règle des traités à