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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/210

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— 1815 —

nous inquiétons pas de tout cela : il faut laisser quelque chose à la fortune.

Nous avons approfondi, je crois, tous les points sur lesquels il m’importait de me fixer et de nous entendre. La France redemande son ancien souverain ; l’armée et le peuple seront pour nous ; les étrangers se tairont ; s’ils parlent, nous serons bons pour leur répondre ; voilà en résumé notre présent et notre avenir. Partez : vous direz à X... que vous m’avez vu et que je suis décidé à tout braver pour répondre aux vœux de la France ; que je partirai d’ici au 1er avril, avec ma garde, ou peut-être plus tôt ; que j’oublierai tout, que je pardonne tout ; que je donnerai à la France et à l’Europe les garanties qu’elles peuvent attendre et exiger de moi ; que j’ai renoncé à tout projet d’agrandissement, et que je veux réparer, par une paix stable, le mal que nous a fait la guerre. Vous direz aussi à X... et à vos amis d’entretenir et de fortifier, par tous les moyens possibles, le bon esprit du peuple et de l’armée. Si les excès des Bourbons accéléraient leur chute et que la France les chassât avant mon débarquement, vous déclarerez à X... que je ne veux point de régence ni rien qui y ressemble. Allez, monsieur, vos instants sont précieux, je ne veux plus vous retenir ; j’ai fait tout préparer pour votre départ. Ce soir, à neuf heures, vous trouverez un guide et des chevaux au sortir de la porte de la ville. On vous conduira à Porto-Longone. Le commandant a reçu l’ordre de vous faire délivrer les papiers de sûreté nécessaires. Il ignore tout ; ne lui dites rien. À minuit, il partira une felouque qui vous conduira à Naples. Adieu, monsieur ; embrassez-moi et partez. Mes pensées et mes vœux vous suivront. »

Deux heures après, j’étais en mer.

C’était le 25 février au soir. Ce jour-là même, la princesse Pauline réunissait dans une fête animée tout ce que l’île renfermait de femmes jeunes et élégantes, d’officiers français et de visiteurs étrangers. Napoléon y parut, l’air ouvert, le visage serein, se mêlant à chaque groupe et causant avec toutes les personnes qu’il connaissait. Il était assez tard quand il sortit, emmenant avec lui les généraux Bertrand et Drouot, qui le suivirent à sa demeure ; une fois seul avec eux, il leur fit confidence de son dessein de quitter l’île, et leur annonça qu’il partirait le lendemain. « Je ne m’ouvris à eux qu’au dernier instant, a-t-il dit, afin de les enlever par un élan de cœur avant que la réflexion arrivât ; et puis, je ne voulais pas que la princesse Pauline ou madame Bertrand vinssent m’embar-