Aller au contenu

Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/235

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
231
— 1815 —

confiées à la diligence de Grenoble, elles purent échapper aux visites de tous les commis de barrière, à l’aide d’un stratagème assez vulgaire : elles enveloppaient des comestibles adressés à une femme, longtemps aux gages de la police impériale, et dont la maison servait alors de rendez-vous à un grand nombre d’anciens fonctionnaires dédaignés par le nouveau gouvernement. Au bout de quelques heures, ces proclamations circulaient déjà dans Paris ; vers le milieu du jour suivant, elles se répandirent dans tous les quartiers. Ce n’était pas seulement à l’aide d’exemplaires manuscrits que chacun se disputait et copiait qu’elles entraient dans toutes les maisons, qu’elles pénétraient dans tous les lieux publics ; les principaux passages, retenus par les lecteurs, se transmettaient d’une mémoire à l’autre, passaient de bouche en bouche, et produisaient partout, chez tous, un effet prodigieux.

Les journaux du 10 ne contenaient que d’insignifiants rapports adressés aux autorités de Marseille ou au gouvernement par quelques fonctionnaires du Var et des Basses-Alpes. Rien de Grenoble ; de Lyon, une dépêche ainsi conçue : « Monsieur est arrivé le 8 ; S. A. R. a été reçue avec enthousiasme. » En revanche, on y trouvait des Adresses de la cour de cassation, de la cour des comptes, de la cour royale, Adresses où les membres de ces trois compagnies protestaient à l’envi « de leur fidélité et de leur amour pour la personne sacrée de Louis XVIII et de leur horreur pour ce grand coupable, pour cet éternel ennemi de la France et du monde, qui venait troubler le repos de la France et de son roi. » Qu’espère-t-il ? s’écriaient les trois cours. « Nous sommes prêts a mourir pour Votre Majesté, ajoutait la cour de cassation. — Vous êtes notre père, nous sommes vos enfants, nous vous ferons un rempart de nos corps. » disait à son tour la cour royale. Ces mêmes cours, composées des mêmes hommes, avaient fait les mêmes serments à Napoléon quatorze mois auparavant (janvier 1814). Qu’espèrent-t-ils ? s’étaient-elles écriées à cette