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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/237

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— 1815 —

Un pareil langage ne se commente pas. La plume tombe des mains devant ces paroles outrageantes, quand on vient à songer que le ministre signataire est le même maréchal qui, onze mois auparavant, vouait à l’exécration publique et à la mort « les hommes assez ennemis de la France pour douter du triomphe du grand et invincible Empereur[1], » et qui devait accepter, à quelques semaines de là, les fonctions de major général de l’armée de Napoléon. On a dit que cet ordre du jour fut présenté, tout rédigé, à l’approbation du duc de Dalmatie par M. Michaud, rédacteur en chef du journal royaliste la Quotidienne, et qu’il ne le signa que pour plaire au roi et par faiblesse. Mieux aurait valu, pour le maréchal, qu’il eût signé par passion ; il aurait pu du moins hasarder une excuse.

Le duc de Dalmatie faisait suivre sa proclamation d’une note ministérielle ainsi conçue :

« Beaucoup d’officiers qui demandent à être nommés chevaliers de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis, négligent de joindre à leurs demandes une déclaration de la religion qu’ils professent. On prévient qu’il ne sera donné aucune suite à toute demande qui ne sera pas accompagnée de cette déclaration. »

Voilà les avis que publiait le ministre de la guerre des Bourbons au moment où Napoléon, maître de plusieurs départements, tenait levé le drapeau de la République et de l’Empire, appelant à lui ses anciens soldats, évoquant tous les intérêts issus de la Révolution, tous les droits conquis par les générations nouvelles ! Était-il donc besoin d’un complot pour tourner le peuple et l’armée contre la Restauration ? Une faute, au reste, n’attendait pas l’autre. Le gouvernement des Bourbons, même dans ce moment de crise suprême, semblait prendre à tâche de porter, jusqu’au sein des classes les plus inoffensives, l’irritation et la colère. On croira difficilement que, le 10 mars, alors que l’Empereur était déjà maître de Lyon, les mêmes journaux qui rappelaient aux officiers sollicitant la croix de

  1. Voyez vol. Ier, page 273.