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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/297

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— 1815 —

avoir ajouté que les habitants de Bordeaux n’avaient rien à craindre, que Napoléon avait tout oublié, et lui avait donné l’ordre formel de ne rien savoir du passé, il termina en remettant à M. de Martignac, pour les autorités civiles et militaires de la ville, une dépêche où il sommait celles-ci de reconnaître, le lendemain, l’autorité du gouvernement impérial. La sommation resta sans réponse. Le lendemain matin 1er avril, vers les dix heures, la duchesse, impatiente de son attitude défensive, discutait avec quelques personnes de son intimité un plan d’attaque contre les 30 gendarmes et les 150 fantassins du lieutenant de l’Empereur, quand plusieurs des gardes nationaux chargés de défendre le passage de Cubzac se présentent devant elle en désordre, et lui annoncent que, surpris à la pointe du jour par un détachement de troupes impériales qui avait passé la Dordogne à Saint-Vincent, ils n’ont eu que le temps de fuir, en laissant aux mains de l’ennemi leurs canons et bon nombre de prisonniers ; le général Clausel, ajoutaient-ils, arrivait derrière eux. À midi, une partie de la population de Bordeaux, groupée sur les quais, put, en effet, voir le drapeau tricolore se déployer sur la rive droite de la Garonne. Quelques soldats parurent en même temps au bord du fleuve : « Il faut aller à eux ! s’écria la duchesse quand on lui annonça cette nouvelle. — C’est impossible, madame, lui répondit le général Decaen, auquel elle s’adressait. — Et pourquoi ? — Parce que nous laisserions derrière nous la garnison, et que nous serions alors entre les coups de fusil du général Clausel et ceux des troupes de ligne qui gardent la ville. »

La duchesse releva vivement la tête : « Je ne voudrais pas exposer Bordeaux, dit-elle ; mais cette garnison dont les dispositions, selon vous, sont si menaçantes, me jurait fidélité il y a quelques jours. Est-il donc impossible de la maintenir dans le devoir ? — Je le crois impossible, répondit le général Decaen. — Sur une question aussi importante, permettez que je ne croie que moi... Donnez aux troupes l’ordre de se rassembler dans leurs casernes. — Je demanderai à Votre Altesse