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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/299

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— 1815 —

Quelques épées furent levées. « Vous êtes en bien petit nombre, dit la duchesse ; n’importe, on sait du moins sur qui compter. »

Sa visite à la seconde caserne fut encore plus pénible. Là, le silence fit place au tumulte : les officiers furent impuissants pour retenir leurs soldats. Aux premiers mots prononcés par la duchesse, des cris frénétiques de Vive l’Empereur ! éclatèrent dans tous les rangs ; elle fut obligée de se retirer. Le Château-Trompette, forteresse de la ville, restait à visiter ; la duchesse ordonna qu’on l’y conduisît. Vainement les généraux qui l’entouraient essayèrent de la détourner de ce projet ; elle ne voulut rien entendre. Arrivée à la première porte, les sentinelles arrêtèrent sa voiture. Le commandant, averti, fit dire à la duchesse qu’elle pourrait entrer, mais sans escorte, et accompagnée seulement, de son premier écuyer, M. de Lur-Saluces, et de deux officiers généraux. Elle dut se soumettre, et laisser sur le glacis extérieur le détachement assez nombreux de volontaires et de gardes nationaux à cheval qui l’accompagnaient. Le commandant l’attendait aux dernières voûtes ; son attitude était respectueuse, mais ferme. « Pour quel motif avez-vous refusé de laisser entrer dans cette forteresse les personnes qui me conviennent et mon escorte ? lui dit la duchesse d’une voix sévère. — Je tiens mon commandement du roi, lui répondit cet officier, et je ne dois prendre d’ordres, pour ce qui y est relatif, que du roi. — Vous êtes un insolent... je vous ferai casser ! »

Il y avait du courage dans cette parole. Les humides et sombres voûtes que venait de traverser la duchesse l’isolaient au milieu d’une garnison alors rangée sous les armes et dont l’attitude était inquiétante. Les soldats se tenaient silencieux ; leurs visages étaient presque menaçants : tous appartenaient au régiment d’Angoulême. Cette circonstance inspira à la duchesse quelques mots pleins de chaleur. Pas une voix ne lui répondit. Pendant quelques instants, elle se tut ; ses regards parcouraient les rangs. « Eh quoi ! s’écria-t-elle, ne me recon-