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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/303

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— 1815 —

la vallée du Rhône dura quelques jours de plus ; son issue fut encore moins heureuse : le prince devait sortir du territoire, non par une retraite volontaire, mais par une capitulation.

Parti de Bordeaux dans la nuit du 9 au 10 mars, le duc d’Angoulême avait pris la route de Nîmes, où commandait le général Gilly. Ce général était suspect aux royalistes de la localité ; le duc lui ôta son commandement, et, après une assez courte halte, il continua son voyage. Ce fut le 15 qu’il fit son entrée dans Marseille, aux acclamations d’une foule exaltée, furieuse, qui lui dénonçait, dans les termes les plus violents, la trahison du maréchal Masséna, gouverneur de la division[1]. Le vainqueur de Zurich gênait le prince ; les généraux de cour composant l’entourage de ce dernier supportaient surtout impatiemment la présence d’un homme dont le renom ne laissait place, dans l’esprit des soldats, à aucune autre influence. Les services, la gloire de Masséna, d’ailleurs, n’étaient pas des titres à la confiance. Le maréchal dut partir pour Toulon. Cette circonstance sauva cette place maritime. Si Masséna ne s’y fût pas retiré, Toulon, ses vaisseaux, ses arsenaux, ses magasins, eussent probablement été livrés une seconde fois à l’Angleterre. Le neveu de Louis XVIII, fidèle aux déplorables traditions de sa famille, ne se bornait pas à prier son cousin le roi d’Espagne de faire entrer ses troupes dans le royaume comme auxiliaires du roi de France, et à donner des ordres pour qu’elles fussent reçues comme alliées à Bayonne, à Perpignan et dans les autres places fortes du Midi[2], il voulait encore

  1. Le maréchal Masséna commandait la 8e division militaire (Marseille), qui comprend les deux premiers départements que Napoléon traversa. Masséna fut accusé de trahison comme tous les autres généraux. Voici ce que l’Empereur, à Sainte-Hélène, racontait à cette occasion : « J’étais si loin de compter en aucune manière sur Masséna, que je me crus obligé de le sauter à pieds joints ; et, le questionnant plus tard, à Paris, sur ce qu’il aurait fait si je ne me fusse éloigné si rapidement de la Provence, il eut la franchise de répondre qu’il serait bien embarrassé de me le dire, mais que le plus sûr, dans tous les cas, avait été d’agir ainsi que je l’avais fait ; que de la sorte le tout avait été pour le mieux. » (Mémorial de Sainte-Hélène.)
  2. Lettre du duc d’Angoulême au roi d’Espagne. (Moniteur du 8 avril 1815.)