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Page:Vaulabelle - Histoire des deux restaurations jusqu’à l’avènement de Louis-Philippe, tome 2.djvu/321

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— 1815 —

nisme et remplie de maximes révolutionnaires destructives de tous les droits du trône[1].

Les conseillers d’État, comme les ministres, réclamaient l’établissement d’un gouvernement libre. Dès l’avant-veille, l’Empereur avait donné des gages de la sincérité de ses déclarations : un décret du 24 venait de rendre à la presse la liberté la plus absolue. Ce décret, publié quatre jours après la rentrée de Napoléon aux Tuileries, alors qu’il exerçait une dictature dont la durée devait encore se prolonger au delà de deux mois et demi ; son respect, durant tout ce temps, pour cette liberté, malgré le déplorable usage que devaient en faire les partis hostiles à son pouvoir et à sa personne ; la nomination des maires et des municipalités rendue au peuple par un autre décret postérieur de six jours (30 mars), témoignent combien était positive, au retour de l’île d’Elbe, la volonté de l’Empereur de restituer à la France les conquêtes morales et politiques de la Révolution. Il n’était pas sincère, a-t-on dit, et ce n’était pas sans arrière-pensée qu’il passait ainsi de l’exercice d’un pouvoir absolu à une autorité contenue. L’hypocrisie ne se suppose pas chez un tel homme ; mais, en admettant même que, dans sa pensée, ce retour à des principes qu’il avait repoussés pendant quinze années ne fût qu’un essai, toujours est-il que l’épreuve fut loyale. Quels motifs avaient pu changer aussi complétement ses convictions ? Ces motifs, lui-même les a expliqués dans une conversation avec

  1. Benjamin Constant, dans ses Mémoires sur les Cent-Jours, en parlant de ce refus de signature, ne mentionne qu’un seul conseiller d’État, mais sans le nommer. « Il écrivit à l’Empereur, dit-il, et motiva son refus sur sa haine pour la souveraineté du peuple et son dévouement à l’Empereur, et, trois mois après, le même homme, se glorifiant de ce refus près des Bourbons, le motivait sur sa haine pour l’usurpation et son dévouement à la légitimité. » — M. de la Fayette dit également à cette occasion : « La déclaration fut signée par tous les conseillers d’État, à l’exception de M. Molé, qui imagina de faire appel aux véritables sentiments de l’Empereur, en prétendant que sa conscience ne lui permettait pas de reconnaître la souveraineté du peuple, scrupule dont il a fait usage depuis, en faveur de la légitimité du roi. » (Mémoires, t. V, p. 403.)