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EN CORÉE

« Pourquoi tes vêtements sont-ils en si mauvais état et comment es-tu si pâle ? As-tu quelque maladie ?

— Ce n’est point cela, répondit le lettré ; mais il y a deux jours que je n’ai rien mangé.

— C’est impossible. Tu as là un esclave pour te préparer ta pipe. Tu n’es donc pas aussi dénué que tu le dis. En tout cas, tu pourrais travailler. »

Cette fois il me regarda et, haussant les épaules en un intraduisible geste d’indifférence ou de désespoir :

« Étranger, me dit-il, le peu dont j’ai vécu depuis quelques années, c’est à cet esclave que je le dois. Je suis noble et j’ai été fonctionnaire. Il m’est donc interdit de m’occuper soit de commerce, soit d’industrie, encore moins d’un travail quelconque de mes mains ; et si mon esclave devient incapable de me nourrir, je mourrai de faim, car je ne puis rien demander, et nul ne m’assistera.

— Mais moi, je puis l’aider, moi qui suis étranger, » insistai-je en offrant quelque argent au lettré.

Il ne prit pas ce que je lui donnais, et détournant les yeux :

« À quoi bon ? fit-il tristement. Tu ne seras plus là demain. Je n’aurai gagné qu’aujourd’hui. »

Intéressé, je pris place près de lui, après avoir