Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/124

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108 CORRESPONDANCE. jouir de ce petit honneur; il n’en abusera pas. N’abusez pas non plus de ce que je vous dis, et conservez-moi votre amitié. Je vous suis fort oblige de l’intéret que vous prenez a mes plaisirs; vous me dites que vous valez mieux que vous ne faisiez autrefois; je n’ai pas de peiue a le croire, parce que je n’ignore pas l’usage que vous faites du temps. Pour moi, j’empire tous les jours, depuis que je ne vous vois plus, et vous me faites trop d’honneur de me regretter quel- quefois. Dites·moi, siucérement, si vous lisez mon écriture; il y a tant de gens qui s’en plaignent, que, si je devenais riche, j’aurais d’abord uu secrétaire. Adieu, mon cher Mi- rabeau.

  • 21. — LE MEME AU MEME.

A Aix, lo 24 décembn 1788. S’il est vrai, mon cher Mirabeau, que vous estimiez la mo- destie, ne me louez point, je vous prie, comme vous faites; n’étoulfez pas une vertu que vous aimez, ou ne me louez que par votre amitié: c’est une louange qui m’est chere, et que je ne refuse point; elle balance dans mon cceur le sen- timent de mes défauts; mais n’y joignez pas l’art des pa- roles; vous me rendriez trop orgueilleux, et j’eu serais plus . méprisé. Je n’ai rien pour faire illusion aux autres hommes, comme a vous; l’amitié n’a pas mis son voile sur leurs yeux; ` ils me voient nu. Si je me remplissais de l’opinion que vous me donnez de moi-meme, ne trouvant rien autour de moi qui la démentlt, je serais le plus malheureux de tous les hommes. ll y a des humiliations que le mérite soutient; mais la vanité les aggrave; elle les rend plus seusibles. Pour vous, mon cher Mirabeau, vous ne courez aucun risque a vous livrer aux gens qui vous approuvent, et votre deli- catesse, la-dessus, est déplacée; vous trouvez partout les memes sentiments, et si vous en étiez moins touché, vous auriez plus d’ingratitude que de modestie.