Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/138

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122 CORRESPONDANCE. · ` 29. — LE MEME A MIRABEAU. ’_ · l A Arras, la 9 avril l739. Je n’ai rien a répondre, mon char Mirabeau, a vos louan-· gas; c’est un voila que vous avez mis sur vos reprochas; je ne prends pas le change la-dessus, et je seraistrop ridicule de chercher a m`en défendre. Je n’ai pas envie, non plus, de rien `opposer a vos reprochas : je sans qu’ils ont. fquel· que justice, et je na me ferai pas cette délicatessa 'da vous ` refuser mon aveu. Je-conviens, mon char Mirabaau, que je ‘ suis un hommefaible, qui se conduit par sentiment, qui lui soumet sa libarté, et qui ne veut que par lui; ma raison m’est inutile‘ : elle est comme un miroir, ou je·vois mes faiblesses, mais qui ne les corrige point. Cependant, mon cher Mirabeau, quelque chose me répu- gne dans les examples que vousme donnez : il est vrai que peu de gens vivent au jour la journée; je suis le seul, peut- etre;-les autres hommes ont un objet dans l’avenir, et ils y attachent le bonheur; mais songez, je vous prie, qu’ils l’y attachent faussement, que cet objet les fuit toujours, et que leurs vaines poursuites les occupant, sans lessztisfaire; leurs soins, leurs inquiétudes, leurs travaux, lauractivité, sont moins l’ei¥et de leur raison, que du sentiment intérieur de leur misare. Je na veux pas vous faire eutendre qua je. me suflise a moi-meme, et qua, toujours, le present remplisse le vide da mon coeur; j’éprouve aussi, souvent et vivement, cette inquiétude qui est la sounce des passions. J‘aimerais la santé, la force, un enjouement natural, les richesses, l'in· dépendance. et une société douce; mais, comme tous ces biens sont loin de moi, et que les autres me touchent fort peu, tous mes désirs se concentrent, at forment une hurneur sombre, que j’essaie d'adoucir par touta sorta de- moyens.

  • Deja, dans la Lettre 2l•°, Vauvennrgues déclare que sa philosophic no doit

rien d la raison, qu’il prend dans le sens deréflexion ; je Pai dit ailleurs (Elogc de Vauvenargues), at Vauveuargues le dit ici lui-meme, il ne ac pic q•¢‘au sen- timent. Voir la 3h' Ré/lcxion, voir aussi la Maa:ime·123•‘, at la note qui s°y rlpporia. — G.