Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/177

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CORRESPONDANCE. 161, · !t9. — MIBABEAU A VAUVENARGUES. De Versailles,·cc 7 janvier t740. Je vous reponds, mon cher Vauvenargues, du lieu que je deteste par excellence *. J‘y suis pour aflaire qui reussira,·ou qui, snrement, me met- tra hors de ce metier·ci; me voila au pied du mur : démission, ou avan- cement. _ ‘ Vous etes le premier raisonneur de France, mais le plus mauvais acteur '. Eh! morbleu! sortez de votre solitude, montrez-vous; vousy gagnerez! Je fais` cas d’un philosophe comme le marquis de Saint- Georges, qui, par parenthese, nepond, comme il le doit, a votre politesse; cet homme agit ; enfin, il est heureux! mais vous! J‘enrage de voir tant d’ouverture enfouie! He quoi t pensez-vous que ce soit dans la fortune que se trouvent les grands objets? helas! quelles en seraient les avenues? _ Non, c’est dans la facon de concevoir et d`agir, dans la vertu enfin. Mais appellerez-vous vertu, une inactive privation du vice? Non encore; un homme de qualité ne doit pas s‘enterrer; il se doit a l’Etat ’. Je sais qu’il n’en est guere question a present, selon le has ministre ‘ qui le gouverne, et que ce sont les maltotiers * qui en sont les colonnes; mais vous avez une patrie miserable, une province vexee par les esclaves ‘ subalternes, que °l‘on erige en souverains, pour le malbeur des peuples; . des amls, que vous pouvez servir; des compatriotes, a qui vos talents exerces pourraient etre utiles; une famille, dont vous devez, ou soigner les aifaires, ou soutenir le nom; vous-meme, a qui vous deyez un plan tixe de bonheur ou d’agrement; que d`objets divers et opposes! Ne croyez pas, mon cher ami, que ce soit encore, ici, une diversion, comme Pautre fois; non, mais je serais bien aise de vous obliger a un plan tlxe, et surtout pour la conduite et pour l’action de votre esprit. Mais d’ailleurs, c‘est mon histoire que je fais. Non! il n’est d’homme heureux que celui qui raisonne sur des principes stirs, et qui croit l’etre, sans rien devoir ¤ Il faut croire que Versailles no deplaisait. point tant A Mirabeau; car, dans tout le cours de sa vie, it y a fait d’assez frequentes apparitions. — G.

  • ll est clair que le mot aetcur signitle, ici, homme d’action. — G.
  • Ici, Mirabeau change de conseil: ce n’est plus A la litterature, mais aux

alaires, qu’il pousse Vauvenargues. On verra, des la lettre suivante, que, sur ce point encore, il preche un converti. — G.

  • Le cardinal Fleury. — G.

' On sait la baine de Mirabeau pour les gens de finance; elle a dure,comme toutes ses haines d’ailleurs, pendant toute sa vie. —— `

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