Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/190

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174 CORRESPONDANCE. Je n’ai jamais plie, il est vrai; je me suis cependant mis souvent an- dcssous du merite, et j’ai eu des attentions pour la naissance et les grades; du reste, dans la societe, j’ai souvent voulu primer, je l’avoue; j’ai senti que c’était ma place! voila de quoi mettre quelqu’un aux Pe- tites-Maisons, mais je vous parle comme je parlerais a mon amour- propre. J’ai souvent cu beaoin de lire, pour m’l1umilier. Quant a la vie retiree, je sensque je n’aurais pas la force de la acute- ,nir; mais je veux vivre pour moi, ma famille ct mes amis, voir et faire ce qui me plaira, retrancher des devoirs, et remplir ceux qui resteront. Je ne fais ici qu'ébaucher les principaux articles de votre lettre qui, dans le fond, est fort bonne; ne vous lassez pas de m’en écrire de meme; cela arrange les pensees, et, quelque jour, je vous montrerai tout entier a vous-meme; mais la maladie de mon frere me mel hors des gonds pour tout ceci. Ayez soin du petit, recommandez-lui les bonnes lectures, et Pecriture; qu’il me fasse des details sur cela. Adieu, mon cher Vau- venargues, aimez-moi, et ne m’inquiétez pas; quand je reprendrais mon métier, ce serait, en verite, sans gout *. t 4 Le dernier dégout que j’ai recu, tu me le demandes? le voici : l’on • m’avait donne toutes les paroles imaginables pour un guidon des gendar- a mes de la Garde, qui vient de vaquer; ce sont des emplois qui content .. cent mille francs; ils menent comme les regiments, mais l’on est commandé • toute sa vie; entln, au bout dc cela, l’on donne t un enfant de i3 ans, cbosc a inouie pour ces corps pesants, et qui d’ailleurs n’etait dans aucun service. · Le duc de Duras', qui est fort de mes amis, ne voulut point nommer a · ma ccmpagnle; M. d’Angervilliers ** me manda, et me dit qu’il me défendait a de quitter; je lui repondis qu’il ne pouvait me retenir, s’il ne pouvait m’a- .. vanccr, et que de passer tous les étes au regiment derangeait mes alfaires; 4 il me dit que je n’irais pas de dis ans, si je voulals, et qu’il fallait, au a moins, savoir du Cardinal"' s’il y avait quelque chose contre moi. A cela ·¢ je lui repartis que je ne reverrais la grille de Versailles que colonel, et a qu’il n’y avait pas d’apparence qu’on me vlnt chercher bourgeois de Paris · a pour cela, et que jo ne ferais dc ma vie d’autre metier. A cela, tous les . amis du monde, t quelques·uns pres, dans la classe desquels tu dev:-ais a etre, se sont elevés; • et la gucrre? etc. » Madame de Duras me dit qu’elle . se chargeait de moi, ct ainsi du reste. A cela je reponds que si la guerro a revient, moi ayant asses d’ardeur pour vouloir encore en tatcr, je sais .· quelqu’un qui me recevra, si je suis d’un age plus mnr. Je ne ferai a pas sur cela de demarcbes de mode, et qui fassent tort A mon bon sens: ¢_ j’ai été 13 ans ·subalterne, prone dans ce genre; j’ai par·devers moi les . services les plus brillants d’un pere, et les blessunes les plus manquees; t qu’aurais·-je de plus dans 10 ans de patience, qui sont un pojnti Je ver- • rais sans cesse renaltre des mirrnidons qu’on me preferera, et il faudra, ° Colonel du regiment on servait llrabeau. — G. ‘* Secretalre-d' tat ala Guerre. — G. "° Le cardinal Fleury, premier ministre. - G.