Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/213

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COIIRESPONDANCE. I97 je comptais meme, en quelque sorte, d’etre encore quinze mois absent; il a passe dans ma.tete d’a1ler, dans cet inter- valle, faire une course en Angleterre, pour voir cet état llo- rissant, pour consulter aussi les plus grands médecins du monde sur mes yeux, qui sont fort mauvais, et sur des in- commodités qui intluent beaucoup sur mon humeur, la- quelle est pire que mes yeux. Mais, comme les voyages coutent, et que je suis mal a mon aise, je ne 'songeais point si tot A m’acquitter avec vous ; je creusais meme mon esprit, pour trouver encore deux mille francs, comme vous vous. souvenez bien que je faisais l’année passée. Mais mon pre; mier soin, mon plaisir, mon unique inquiétude, c’est de satisfaire d’abord a l’amitié, a la reconnaissance; ainsi, vous n’avez qu’a parler, et a dire franchement si votre situation et vos dispositions présentes peuvent s’accorder aux mien- nes; car cela va devant tout, et je n’ai rien de si cher que de reconnattre, de vaincre, et d’eil`acer votre amitié par des temoignages stirs de ma sensibilité. Le voyage d’Angleterre n’est qu’un projet fait en fair, qui ne tient encore a rien, car je n’espere presque pas de pouvoir trouver de l’argent. Parlez donc, mon cher Saint-Vincens, et que rien ne vous retienne : si vous me souhaitez a Aix, je m’y rendrai vers Ia fin du mois d’aout; le, je prendrai des inesures pour m’acquitter avec vous; j’espere que je le pourrai, a votre retour de la campagne. Répondez-moi la-dessus avec toute la couiiance et toute la vérité qu’exigent mes sentiments; et, quand vous m’aurez satisfait sur cet article, ne me ca- chez point, je vous prie, les raisons de votre silence : est-ce paresse,est-ce oubli, ou bien quelque autre raison ?J e ne com- prends pas la paresse, car, quand on ne se pique pas d’éc1·ire mieux que Voiture, ou que tant de gens d’esprit qui n’ont pasce talent-—la; quand on ne veut autre chose que causer, se faire entendre, puisque le reste est inutile avec les gens ` qui nous connaisseut, et qu’il n’y a que les écoliers qui {assent de belles lettres; quand on sait, dis-je, tout cela, il me semble qu’une lettre ne peut pas coilter beaucoup. Ré- * l I l