Page:Vauvenargues - Œuvres posthumes éd. Gilbert.djvu/259

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est vrai qu’il la quitte un peu, lorsqu’il met dans la bouche du meme Acomat :

Et s’il faut que je meure,
Mourons : moi, cher Osmin, comme un visir ; et toi,
Comme le favori d’un homme tel que moi *.

Ces paroles ne sont peut·etre pas d’un grand homme; mais je les cite, parce qu’elles semblent imitées du style de Corneille; et c’est la ce que j’appel1e, en quelque sorte, parler pour se faire connaitre, et dire de grandes choses sans les inspirer.

Je sais qu’on a dit de Corneille qu’il s’était attaché a peindre les hommes tels qu’ils devraient étre : il_ est donc sur, au moins, qu’il ne les a pas peints tels qu’ils étaient; je m’en tiens a cet aveu—la. Corneille a cru donner, sans doute, a ses héros un caractere supérieur a celui de la nature; les peintres n’ont pas eu la meme présomption : quand ils ont voulu peindre les esprits célestes, ils ont pris les traits de l‘enfance : c’était, néanmoins, un beau champ pour leur imagination; mais c’est qu’i1s étaient persuadés que l’imagination des hommes, d’ailleurs si féconde en chimeres, ne pouvait donner de la vie a ses propres inventions. Si le grand Corneille, Monsieur, avait fait encore attention que tous les panégyriques étaient froids, il en aurait trouvé la cause en ce que les orateurs voulaient accommoder les hommes a leurs idées, au lieu de former leurs idées sur les hommes.

Corneille n’avait point de gout, parce que le bon gout n’étant qu’un sentiment vif et fidele de la belle nature, ceux qui n’ont pas un esprit naturel ne peuvent l’avoir que mauvais ; aussi l’a-t-il fait paraitre, non-seulement dans ses ouvrages, mais encore dans le choix de ses modeles, ayant préféré les Latins et l’entlure des Espagnols aux divins génies de la Grèce.

  • Bunn, acle I V, svénc 7. — G. .
  • Phrase incorrecte ; grammaticalement, mmwais devrait porter sur esprit, et, logiquement, il porte sur gmit. - G.